Littérature

La solitude du chasseur perché – sur Les Papillons du bagne de Jean Rolin

critique

Jean Rolin s’est inventé un mode de vie et un mode d’écriture qui sont une raison d’être : voyager et observer, noter et relier, écrire et décrire, avec une forme de neutralité qui lui est propre. Sa dernière ballade part à la rencontre des papillons, jusqu’en Guyane, terre de relégation mais aussi de trafics de papillons.

La dernière ballade de Jean Rolin, Les Papillons du bagne, se présente en deux parties, mais deux parties que n’indique aucune numérotation ni table des matières. Qui plus est, ces deux parties sont aussi asymétriques et déséquilibrées que les ailes d’un papillon sont symétriques, offrant à l’œil nu des diptyques naturels si beaux et si chatoyants qu’ils ont rendu fous des hommes.

publicité

Enfin, cette première partie, qui s’achève page 58, s’achève aussi sur l’aveu d’un échec. Jean-l’écrivain et Rolin-le-marcheur se sont fourvoyés. Ils pensaient tenir une piste, hélas, elle était mauvaise, décevante et surchargée de… littérature. Un comble, qu’il nous faut à présent expliciter.

Jean Rolin n’a pas inventé un genre, mais il s’est inventé un mode de vie et un mode d’écriture qui sont aussi une raison d’être : voyager et observer, noter et relier, écrire et décrire, avec une forme de neutralité qui lui est propre. La souplesse déliée de son phrasé se mêle au relevé de nombreux signes d’enlaidissement du monde et à celui de nombreuses merveilles ce que ce même monde réserve. Mais chacun de ses livres a besoin d’un fil, d’un objet qui lui permette de le structurer. Les Papillons du bagne a donc pour fil un des insectes volants les plus gracieux et les plus bigarrés qui soit, le papillon, plus exactement l’espèce appelée morpho.

En toute logique son récit commence par un coup de téléphone du responsable d’une serre à papillons qui comprend des morphos, située dans un bourg nommé Garancières-la-Queue. Un jour, il faudra dresser la liste des noms de toutes les bourgades abandonnées des dieux qu’aura traversées Jean Rolin : s’y rejoignent la drôlerie de certaines assonances, l’incongruité de certaines associations, la pornographie de quelques syllabes, ainsi que la beauté transparente d’autres. Mais le commentaire est de nous ; Jean Rolin n’en dit rien – neutralité, disions-nous.

Quatre pages passent ; le récit revient en arrière et plonge au pays de la littérature. Huit mo


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice

Rayonnages

LivresLittérature