Vers le totalitarisme informatique
Depuis la parution – pourtant toute récente – de mon essai Le totalitarisme informatique, j’ai pu avoir l’impression que l’histoire s’accélère. D’une part, les travaux en la matière, y compris critiques, se multiplient et dans les lignes qui suivent, je vais tacher de rendre compte de quelques-unes de ces publications que je n’avais pas encore prises en considération. D’autre part, des échanges autour de l’ouvrage et notamment deux interviews[1] m’amènent à préciser et à prolonger certaines de ses analyses.

On évoquera successivement les erreurs terminologiques du monde informatique, la quête de toute-puissance et de rationalisation, l’apport décisif de Byung-Chul Han et enfin les domaines droit, politique et vie sociale.
Erreurs, illusions, mensonges ?
Dans l’introduction, le livre s’interroge sur la substitution terminologique d’informatique par numérique, sachant que les 0 et 1 de la programmation électronique ne sont pas des numéros, mais des signes d’un code. De telles contrevérités sont courantes : songeons à la « dématérialisation » d’activités variées et de services publics[2] qui se solde dans la réalité par une empreinte matérielle bien plus lourde que le papier. Si de par son allure d’allégement, la dématérialisation possède déjà une portée trompeuse, facilitant la réduction des services publics, impostures et mystifications sont encore bien plus importantes dans le sillage de la soi-disant intelligence artificielle.
On ne reviendra pas ici sur ce qui a déjà été développé, à partir de multiples sources, dans le livre. Contentons-nous de citer un article fort pertinent de la philosophe Anne Alombert. Elle montre que « les notions d’intelligence artificielle, d’apprentissage automatique ou de réseaux neuronaux sont problématiques, en tant qu’elles impliquent des analogies entre humain et machine, pensée et calcul, cerveau et ordinateur, qui reposent elles-mêmes sur une réduction de l’esprit à des opérations mathématiques. » Pourtant, « le fonction