Culture

Ila Bêka et Louise Lemoine : « L’architecture peut guérir »

Architecte, curatrice

Depuis leur rencontre, Ila Bêka et Louise Lemoine enchaînent les projets – documentaires, livres, installations artistiques – avec un intérêt commun pour le rapport des sociétés à l’espace. Le duo œuvre à essayer de comprendre à quel point l’architecture est capable de créer des conditions qui peuvent interagir avec notre état de santé et d’âme, filmant avec générosité et spontanéité.

Depuis plus de quinze ans, les cinéastes Ila Bêka et Louise Lemoine réalisent des films documentaires qui s’intéressent à l’architecture. Non pas aux bâtiments comme objets, à leur esthétique ou à leur forme, mais à celles et ceux qui y vivent, en font usage, les entretiennent et y travaillent. Des personnages qui sont donc les sujets des espaces dans lesquels ils et elles évoluent au quotidien et dont le duo enregistre, avec spontanéité et humour, la relation particulière. À la fois réalisateurs, producteurs, monteurs, diffuseurs, éditeurs et distributeurs, le duo ne produit pas de « films d’architecture » mais bien au-delà développe en toute indépendance un travail sur la question universelle de l’espace et du rapport des corps à l’espace, un sujet complexe, difficile à représenter, abordé au fil de leurs production intense, vingt-deux films à ce jour. OR 

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Dans votre premier film sorti en 2008, Koolhaas Houselife, vous vous êtes intéressés à la maison à Bordeaux, un projet phare de l’architecte néerlandais Rem Koolhaas, à travers le travail de Guadalupe Acedo, femme de ménage, gouvernante de la maison. À l’époque cette approche était totalement inédite alors qu’aujourd’hui en architecture, on parle beaucoup de réparation et « du soin des choses » pour reprendre le titre d’un livre récent de Jérôme Denis et David Pontille. Ces sociologues se sont intéressés à la maintenance en soulignant sa portée politique par les gestes d’attention qu’elle implique. Il me semble que depuis vos débuts et dans tous vos travaux, vous avez voulu rendre visibles les usages de bâtiments et d’architectures qui n’étaient jamais représentés. Aviez-vous conscience, à vos débuts, de la portée politique de votre travail ?
Louise Lemoine : Quand on a sorti ce premier film, il a fait l’effet d’un choc. Le film a été reçu à la fois de façon très positive et a en même temps suscité des critiques très négatives. Il a été reçu, surtout en France, comme un coup de poing ultra-critique, tr


Océane Ragoucy

Architecte, curatrice