Et tant pis si les intellectuels de gauche sont fatigués !
Le ridicule intellectuel se porte d’autant mieux que l’esprit de sérieux (à distinguer du sérieux de l’esprit) s’affiche professionnellement dans les milieux académiques. Au sein de la gauche intellectuelle, en tout cas parmi ceux qui s’expriment publiquement, le sérieux du ridicule semble s’épanouir dans les commentaires sur le mouvement des « gilets jaunes ». Ce ridicule a pu être aussi le mien quand, devant l’inédit, j’ai pu être tenté de rabattre l’inconnu sur le connu, la perplexité sur les certitudes, le composite sur mes questionnements intellectuels localisés, les fracas du monde sur mon nombril cognitif. Parfois, un grand penseur, comme Jacques Rancière récemment dans AOC, nous aide toutefois à penser de manière un peu plus claire, grâce à son ridicule même [1].
The Academic Left Zoo ?
Les intellectuels de gauche intervenant dans le débat public sur le mouvement social en cours n’hésitent donc pas à projeter de manière caricaturale sur ce mouvement leurs préoccupations intellectuelles du moment et/ou leurs attentes ou leurs craintes politiques. Il est certes légitime d’éclairer un morceau mouvant de la réalité à travers nos travaux et/ou nos réflexions politiques. Ce qui a été mon cas en regard de la tendance confusionniste (au sens de la stabilisation de passages rhétoriques entre extrême droite, droite et gauche) travaillant le contexte idéologique. Mais pourquoi ces interventions intellectuelles passent-elles si fréquemment de l’éclairage utile d’une zone du réel à un diagnostic bien prématuré sur son ou ses axes principa(ux)l ? Le plus souvent ces projections émanent de soutiens du mouvement, adossés à des tribunes collectives et à des pétitions.
Un des plus (involontairement ?) drôles en la matière a été Yves Citton sur AOC. Nous demandant de nous départir de la comparaison avec le Mouvement 5 étoiles italien et de son alliance gouvernementale avec l’extrême droite, il nous invite à « percer sous les Gilets jaunes » autre chose, « à regarder