Cinéma

Le lac aux fantasmes – sur Camping du Lac d’Eléonore Saintagnan

Critique

Premier long-métrage de la plasticienne Eléonore Saintagnan, Camping du Lac hybride la captation documentaire (un portrait de la France des bas-côtés), sensualisme mystique de la nature et broderie d’historiettes et légendes locales. Surtout, il s’amuse avec notre suspension d’incrédulité, en tressant constamment la matérialité et la fantasmatique d’un lieu.

Avant d’être un film déroutant, Camping du Lac est d’abord un film dérouté. Sur la route des vacances, Eléonore – interprétée, comme son nom l’indique, par la réalisatrice – tombe en panne. Le garagiste ne pouvant réparer sa voiture de suite, elle doit trouver un hébergement d’urgence et franchit la grille du dit « Camping du lac ». Lieu-dit archétypal et endormi, encore dans la torpeur d’une saison pré-estivale. Qu’y aurait-il à découvrir autour de ce grand plan d’eau et des mobil-homes disposés sur les coteaux ?

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Le film débute comme un jeu de piste contrarié. D’une avarie à l’autre, jusqu’à ce camping en forme d’impasse. La mise en scène est guidée par une économie formelle proche du roman graphique : une action, une mésaventure, un plan frontal, et ainsi de suite. Une succession de vignettes insolites (un remorquage en tracteur, un coup de fil à la ferme, une attente au garage), bercées par une voix-off d’une charmante gaucherie.

Mais rapidement, un basculement s’opère. Eléonore pousse la porte de l’église du village et la voilà écoutant le prêtre racontant l’histoire de Saint-Corentin, un ermite breton dont le seul compagnon était un poisson miraculeux.

« Les aventures d’Eléonore en rade » se transforment en « légende de Corentin le sourcier », tout en conservant la même simplicité de filmage, et ce goût du récit en mini épisodes. Corentin marche dans la lande, fait jaillir des filets d’eau par simple imposition de ses mains sur des parois rocheuses ou des lits de mousse, se nourrit de la chair de son ami poisson qui se régénère chaque jour, et offre sa pitance mystique aux mendiants comme aux rois.

D’une historiette à l’autre, on est passé avec la même confiance de 2024 au Ve siècle. Un épisode mystique est raconté avec autant de désarmante simplicité qu’un incident un poil gênant qu’on confierait à des copines. Le plaisir est le même, devant l’anecdote de la citadine empêtrée ou le mythe fondateur de l’église bretonne, dialogué en VO bretonnante (Cor


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