Littérature

Dans les écuries des États-Unis – sur Le sport des rois de C. E. Morgan

critique

Pour son deuxième roman C. E. Morgan n’a manqué ni d’ambition ni de talent : Le sport des rois est un livre monstre embrassant à travers plusieurs générations et régions certaines des grandes questions qui traversent l’histoire des Etats-Unis de la deuxième moitié du XXe siècle à nos jours. Pour y parvenir, l’auteure a su trouver l’oreille pour chacun de ses personnages et faire preuve d’une exceptionnelle intelligence narrative.

Il est des romans qui sont des météorites, des ogres, des sommes. Celui de C. E. Morgan en est une. Par sa taille : dans sa version française, il emplit 647 pages à la composition plutôt serrée, dans un format plus large que celui de la collection « Du Monde Entier » qui le publie. Par son ambition : C. E. Morgan s’inscrit clairement dans la grande tradition littéraire américaine du deep south, magnifiée au XXe siècle par William Faulkner, et déplacée ici du Mississippi-Yoknapatawpha au Kentucky. Par le genre de son auteure, une femme, née en 1976, qui s’attelle à une thématique que la coutume réserve aux hommes – le dressage des chevaux –, thématique qu’elle déploie pour y inclure celles du dressage des hommes et de l’esclavage.

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Le Sport des rois – le titre est la traduction littérale de l’original, The Sport of Kings, expression classique anglaise qui désigne l’équitation – est un parangon du genre romanesque. C’est un grand récit enraciné dans un espace et un temps spécifiques, qui met en scène plus que des êtres de papier, des personnages ayant une psychologie, un visage et une voix. Pour autant ce n’est pas un long roman qui suivrait les méandres de la chronologie pour raconter l’histoire d’une famille, ce qu’on appelle communément une saga. Le livre est trop pluriel, trop noueux pour se plier à ces règles-là. Catherine Elaine Morgan aime les défis.

Son livre est avant tout savamment construit et divisé en six grandes parties séparées par un interlude, soit deux, trois, quatre pages à la forme libre qui sont autant d’inserts ajoutant du jeu dans la trame romanesque : ici, c’est une liste commentée des différentes couleurs de la robe des chevaux ; là c’est une parabole au ton biblique qui influe sur le sens du récit principal. Ensuite, les événements et les faits que met en scène Le Sport des rois ont du poids et du sens, à tel point qu’il est impossible de faire l’économie du résumé de l’intrigue pour rendre compte de la « personnalité » du livre.

La


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice

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