La folle interdiction administrative individuelle de manifester
De fortes voix du barreau ont déjà dénoncé ce qu’il est convenu d’appeler la proposition de loi « anticasseurs », qui est plus exactement une loi « antimanifestants », adoptée en première lecture au Sénat le 23 octobre 2018 et à l’Assemblée nationale le 5 février 2019 (voir notamment : Ellen Salvi, « Cette loi anticasseur ne menace pas le délinquant, elle menace le citoyen », Mediapart, 3 février 2019 ; Arié Alimi, « La loi anticasseur, nouvel outil du mécano autoritaire », AOC, 8 février 2019 ; voir aussi la lettre adressée le 5 février 2019 par la présidente du Conseil national des barreaux à la rapporteure de la proposition de loi à l’Assemblée nationale).

Ce texte de circonstance est basé sur un constat factuel à ce point erroné qu’il en vicie de manière irrémédiable l’intégralité de son contenu : selon les premières lignes de l’exposé des motifs de la proposition de loi déposée le 14 juin 2018 au Sénat, le droit de manifester serait « aujourd’hui menacé, en raison de l’agissement malveillant et récurrent de groupuscules violents qui agissent masqués, pour échapper à la justice », et le recours à la violence se serait « accru ces dernières années » alors au surplus que « un palier dans la violence a été franchi, les 5 et 22 mai 2018, par des groupes provocants et offensifs, qui forment une foule anonyme difficilement identifiable ». Ces éléments très alarmistes ont été repris par la majorité à l’Assemblée nationale et des membres du gouvernement, dont par exemple la ministre des Affaires européennes le 3 février 2019 : « Jamais les manifestants n’avaient attaqué les forces de l’ordre avec la violence [de ces dernières semaines] ».
France Inter a facilement fait litière de ces élucubrations dans un reportage mis en ligne le 11 février 2019, où il est relevé que « l‘histoire contemporaine récente regorge d’exemples d’actions violentes, parfois bien plus que les manifestations actuelles » des « gilets jaunes », lesquelles ne se sont tenues que trois semaines après