Faire art comme on fait société
Si tous les membres de notre société ne font pas dorénavant de l’art une affaire personnelle, l’art verra se dissoudre inéluctablement toutes ses capacités de transformations et de résistance. Et si, notre société ne fait pas appel à l’art pour créer des formes de relations satisfaisantes entre individus singuliers, autant qu’elle l’a investi pour donner forme et existence à cet individu qui est au cœur de son projet politique, la démocratie se privera d’un moyen de se construire et de résister elle aussi au délitement.
Il reste donc une dernière révolution à faire pour donner une autre suite au récit moderne : amener notre société à faire sienne cette liberté de penser et d’agir que les artistes, philosophes et tant d’autres, avaient conquise de si haute lutte. Mais encore faut-il pour cela s’émanciper d’une dépendance à l’égard des pouvoirs institutionnels, politiques et financiers, qui contrôlent encore en démocratie, non plus la création, mais son économie et ses modes de reconnaissance.
En art, depuis les Romantiques, nombre d’artistes, jusqu’aux années soixante, ont cherché par leurs œuvres ou leurs attitudes à ce que chacun puisse s’approprier cette liberté. Ils n’y sont pas parvenus. Ils ont bien assumé toutes leurs responsabilités mais c’est à leur société d’assumer dorénavant les siennes en reconnaissant ses propres nécessités de faire appel à l’art. Leur position d’avant-garde perdrait alors sa raison d’être et ouvrirait la perspective de pouvoir, à nouveau, écrire avec d’autres la suite de l’histoire de l’art ! Mais comment le faire avec un partenaire absent ? Comment amener notre société à s’autoriser à le faire et inviter ses membres à s’impliquer comme acteurs à part entière ? Et pour écrire un nouveau chapitre de l’histoire de l’art, quelle nouvelle ambition ayant un sens commun pourrait devenir un moteur aussi puissant que ceux qui avaient animé la création jusqu’à nous ?
A la naissance de l’art, il n’y a pas si longtemps, durant la Préh