Benjamin Biard : « Face à l’extrême droite, l’audiovisuel public belge a institué un cordon sanitaire »
C’est un secret bien gardé. À tel point que rares sont celles et ceux à Radio France comme à France Télévisions qui le savent : dès 1991, l’audiovisuel public belge francophone a instauré et consolidé un cordon sanitaire médiatique visant à empêcher les partis d’extrême droite à accéder à toute parole publique en direct, les privant du même coup d’entretiens et participation à des débats. Prise par l’administrateur général de la RTBF et son conseil d’administration, cette décision d’autorégulation fut par la suite validée tant par la justice que par l’autorité de contrôle des médias belge, équivalent de l’ARCOM. Comment une telle décision a-t-elle être prise ? Quels en ont été et en sont toujours les effets ? Pourquoi la Flandre ne l’a-t-elle pas mise en œuvre ? Serait-elle imaginable en France ? Auteur de deux rapports consacrés à la lutte contre l’extrême droite, Benjamin Biard, politiste au Centre de recherches et d’informations socio-politiques – une institution consultée par la RTBF lors de l’invention du dispositif – répond. SB

C’est en 1991, à la suite d’élections législatives, et après que, pour la première et seule fois dans l’histoire de la Belgique francophone depuis la Libération, un député Front national soit élu, qu’a été mis en place un cordon sanitaire afin de tenir à l’écart l’extrême droite. Comment cela s’est-il passé ?
Cela dépend de quel cordon sanitaire l’on parle car, de fait, il y en a deux : l’un médiatique, auquel vous faites référence, et l’autre, antérieur, politique. Ce premier cordon sanitaire, le cordon sanitaire politique a vu le jour en Flandre après les élections communales de 1989, lors desquelles le Vlaams Blok (ancien nom du Vlaams Belang, le parti d’extrême droite flamand) progresse nettement, même s’il est encore assez faible. Cela soulève alors une série de craintes. C’est le secrétaire de l’époque du parti Agalev (l’ancien nom de Groen, le parti écologiste flamand) qui suggère l’idée d’un cordon sanitaire, sig