Géopolitique

La guerre nucléaire qui vient

Philosophe

Le 1er février, les États-Unis – suivis par la Russie – ont annoncé leur retrait du traité conclu en 1987 avec la Russie prévoyant l’interdiction de développer, tester et déployer au sol des missiles conventionnels ou à tête nucléaire d’une portée comprise entre 500 et 5 500 km. Mais le plus tragique est que cette dégradation du climat diplomatique international ne sera probablement pas la cause du précipice. Car peu importe les intentions des dirigeants, leurs choix politiques nous soumettent aux carences techniques du système d’alerte, nous exposant ainsi au risque d’un accident sans précédent.

Les 6 et 9 août 1945, deux bombes atomiques réduisaient en cendres radioactives les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki. Depuis, les veilleurs, c’est-à-dire ceux qui ne se sont pas assoupis dans le confort d’une vie bourgeoise et non réfléchie, se demandent : quand, où et comment ce sera la prochaine fois ? Ils savent au moins que le nombre de morts ne sera pas alors une centaine de milliers, mais des centaines de millions. Jusqu’il y a deux ans à peu près, l’un des meilleurs observateurs du domaine, après avoir été l’un de ses principaux acteurs, William Perry, l’ex-secrétaire à la Défense du président Clinton, répondait : ce sera un acte terroriste. Aujourd’hui, il conjecture comme beaucoup : ce sera le résultat de l’affrontement entre les deux seules superpuissances nucléaires, les États-Unis d’Amérique et la Russie, qui à elles-deux détiennent plus de 90% des armements de la planète. Nous sommes revenus aux pires moments de la Guerre froide.

Les plus âgés d’entre nous se souviennent de la crise des euromissiles qui fit trembler de peur l’Europe entre 1976 et 1987. En mars 1976, l’Union Soviétique déploie dans sa partie européenne des missiles SS20 d’une portée d’environ 5.000 km, capables donc d’atteindre l’Europe occidentale, mais aussi la Chine et le Japon. Devant cette agression, le président américain Jimmy Carter juge dans un premier temps que ses armes nucléaires stratégiques à longue portée suffisent pour dissuader une éventuelle attaque surprise sur l’Europe. Mais le chancelier allemand Helmut Schmidt fait pression pour que l’Amérique intervienne. En décembre 1979, un sommet de l’OTAN prend une double décision : faire pression sur l’Union Soviétique pour qu’elle retire ses SS20 et, si ces négociations échouent, installer en Allemagne dans un délai de quatre ans des missiles américains de portée moyenne, les Pershing II.

Suit une période confuse où des phrases restées célèbres sont prononcées. Les pacifistes allemands, soutenus par le parti com


[1] Le fameux « missile gap ». Sur cette erreur invraisemblable, voir les passionnantes pages 155-168 du dernier livre de Daniel Ellsberg, The Doomsday Machine. Confessions of a Nuclear Planner, New York, Bloomsbury, 2017. (Non traduit en français.)

Jean-Pierre Dupuy

Philosophe, Professeur à Stanford University

Mots-clés

Nucléaire

Notes

[1] Le fameux « missile gap ». Sur cette erreur invraisemblable, voir les passionnantes pages 155-168 du dernier livre de Daniel Ellsberg, The Doomsday Machine. Confessions of a Nuclear Planner, New York, Bloomsbury, 2017. (Non traduit en français.)