Cinéma

Pétard mouillé – sur Anora de Sean Baker

Critique

Alors, la Palme de cette année ? Les promesses d’Anora sont élevées. Derrière les aventures d’une escort-girl faisant face à une famille d’oligarques russes, pointe un film-trip tapageur sur fond de lutte des corps et des classes. Mais le film dépense son énergie en pure perte : promettant une explosion qui ne vient jamais vraiment, il n’aboutit qu’à un laborieux retour à la case départ.

Au détour d’un dialogue du film de Sean Baker, auréolé d’une indulgente Palme d’Or, on apprend qu’Anora signifie « grenade » en ouzbek. Pétillant, fruité, explosif, voilà sans doute ce que le film rêverait d’être. Mais tout cela dégoupille-t-il vraiment ?

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À le découvrir loin du tumulte cannois, on a plutôt la désagréable impression de n’avoir affaire qu’à un pétard mouillé qui cherche à se faire passer pour une bombe. Un film certes coloré et tapageur (baigné dans les nuits et les néons des clubs de strip et des fêtes foraines), mais surtout terriblement dragueur. L’alignement de ses signes de séduction sert un récit prévisible et surtout joué d’avance.

Pour le public français, la grenade rappelle aussi les paroles de Clara Luciani. On doute que la chanson ait servi d’inspiration première au film, mais enfin, ses paroles entrent en résonance avec le pitch. « Hé toi / Qu’est-ce que tu regardes ? / T’as jamais vu une femme qui se bat / Suis-moi / Dans la ville blafarde / Et je te montrerai / Comme je mords, comme j’aboie », c’est peu ou prou l’itinéraire d’Anora, escort-girl rêvant d’avoir touché le gros lot après avoir épousé le fils d’un oligarque russe et se rendant compte qu’elle ne pourra plus compter que sur son opiniâtreté pour sauver sa peau.

Sans doute Anora rêve-t-il d’entrer dans les souvenirs aussi efficacement qu’un hymne pop et féministe, l’un de ceux que l’on retient dès la première écoute pour mieux nous accompagner. Encore faudrait-il que le film soit pleinement convaincant, et même cohérent avec lui-même.

« Suis-moi », c’est aussi l’interpellation du film qui, dans sa deuxième partie, embarque ses personnages dans une laborieuse équipée picaresque à la recherche du fils prodigue ayant détalé comme un lapin. Mais ce « suis-moi » est aussi le clin d’œil que le film adresse sans cesse à celles et ceux qui le regardent. Anora cherche en permanence leur connivence amusée en s’appuyant sur des schémas bien manichéens. Dans le rôle de la princesse


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