Distribué et fédéral, le monde qui nous manque
Osons un parallèle improbable à première vue. Les crises de gouvernance des réseaux sociaux et des démocraties sont du même type. Les promesses et les mythes fondateurs ont été bafoués et épuisés, notamment celle de la distribution des pouvoirs et du contrôle par les collectifs concernés. Le mythe national a été balayé par la globalisation et dévoyé par ceux qui veulent la combattre en revenant à une pureté fantasmée. Le mythe de la liberté d’expression et de participation a été exploité commercialement par les plateformes numériques et finalement dévoyé en viralité généralisée qui donne une prime aux plus haineux.

En sortir impose de revenir sur la distribution des pouvoirs et des architectures techniques et institutionnelles ainsi que de changer les échelles de vie commune. En France, cela veut dire sortir de la crise politique devenue crise de régime en inventant les instances de représentation en faveur d’un modèle fédéral, à base de parlements régionaux tirés au sort.
Une architecture technique des réseaux désormais centralisée et opaque
Les promesses d’internet, du web et du web 2.0 portaient toutes un même message en tant que médium : distribuer l’architecture des réseaux pour distribuer le pouvoir d’agir dans le réseau. Cette inspiration n’a pas disparu et irrigue un grand nombre d’innovations et d’applications centrales pour une vie commune, comme l’est Wikipédia. Mais le bilan est clairement en faveur de centralisations profondes qui ont permis l’émergence d’un ensemble d’entités numériques au pouvoir inégalé dans l’histoire. Berners-Lee en faisait un premier inventaire en 2008 :
• le réseau des machines est désormais centralisé autour d’Amazon (avec Amazon Web Services, AWS, plus d’un tiers du marché dans tous les secteurs des services cloud) ;
• le réseau des documents est désormais centralisé autour de Google (90 % des parts de marché des recherches, plus de 50 % du marché de la publicité en ligne et un écosystème qui exploite toutes les syner