De quelle révolution l’hystérie actuelle est-elle le signe avant-coureur ou révélateur ?
Rien ne me rend plus perplexe, par les temps qui courent, que les épithètes dont je suis régulièrement affublé après la publication de l’une de mes tribunes relatives à la situation politique française ou internationale, dans différents médias : par exemple, « courageux » ou « radical », c’est selon, et parfois les deux. Nul ne sera surpris que les sujets dont je traite, les plus propices à la formulation de tels jugements, sont le macronisme, la progression de la révolution conservatrice en France, l’islam, l’immigration, l’enseignement supérieur, les conflits du Proche-Orient.

Par définition, chacun et chacune est libre d’exprimer ses appréciations. Mais leur caractère souvent péremptoire et excessif me laisse un malaise et une inquiétude. Car il me semble être le symptôme d’un mal politique et intellectuel qui ronge notre démocratie et même notre société. Certes, ma langue est parfois acérée et rude. Néanmoins, ne sont-ce pas plutôt les faits relatés qui le sont ? La vocation du chercheur en sciences sociales n’est-elle pas de nommer les félins par leur nom ? Est-il logique, raisonnable, d’imputer la responsabilité d’une guerre, d’une injustice ou d’un crime contre l’humanité à celui ou celle qui les relate ?
À l’aune des auteurs classiques dont l’ironie était mordante, ma langue est plutôt sage. À celle des polémistes du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, elle serait presque fade. Que traduit la pudeur de vierge effarouchée qui saisit le lecteur contemporain dès que l’on s’efforce à la précision des mots ?
Bien sûr, entre en ligne de compte la pudibonderie d’une époque qui préfère parler de mal entendants et de mal voyants, plutôt que de sourds et d’aveugles, et de disparition ou de décès, plutôt que de mort. Mais si les défunts font peu de cas de la manière dont on les désigne, les vivants méritent que l’on continue de dire ce qu’ils sont et font, au lieu de les étouffer ou de les dissimuler dans des euphémismes, ou pis encore de les dénatur