La pauvreté est un sport de combat
Le sens de ce texte est dicté par l’urgence théorique mais aussi pratique visant à dissiper un malentendu épistémique et social sur le scandale de la pauvreté. Au plus loin de la doxa néolibérale, qui se plaît à voir le pauvre comme un paresseux, le texte qui suit est dicté par la conviction qu’il n’existe pas de plus grand travail que d’être pauvre. Là où les représentations dominantes voient le pauvre comme un fainéant, un profiteur, un être vivant de l’assistance, des autres, selon une vulgate néolibérale qui souhaite démanteler la logique politique de l’État social, il suffit de passer quelques journées avec des personnes vivant dans la grande pauvreté pour se rendre compte combien la vie dans la pauvreté, pour pouvoir être menée, implique un travail de tous les instants.

Des cartes déambulatoires de personnes à la rue, à Lyon, ont été réalisées par une association. Elles montrent la variété inimaginable des parcours des vies suivies pour tenter de survivre. Des bains-douches le matin à la première heure aux déplacements vers les lieux de mendicité, en passant par un rendez-vous dans une institution sociale en se rendant aux différentes restaurations solidaires, pour finir par rejoindre le lieu où l’on dort, parking, bout de trottoir, c’est à un véritable parcours du combattant que nous assistons, impliquant un travail de mobilité très vaste dans la métropole, mais aussi un travail de mobilisation psychique intense pour ne pas succomber. La pauvreté est bien un sport de combat, un athlétisme pourtant invisibilisé comme tel et, par suite, rendu incompréhensible.
Ce travail des sans-travail est non seulement un travail induit par la condition de la pauvreté, mais il est aussi, dans le même temps, un travail auquel assigne la pauvreté.
Avec la privatisation de nombreuses entreprises publiques, la déréglementation et la flexibilisation du marché du travail, la privatisation des services de base (énergie, santé), être pauvre est devenu, encore davantage en