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Rebâtir après Chido : le rêve d’une Mayotte résiliente

Socio-anthropologue

À Mayotte, l’eau se raréfie, les matériaux de construction importés écrasent l’économie locale et les déchets s’accumulent, menaçant les terres, les lagons et la santé. Le typhon qui s’est récemment abattu sur l’île n’a fait qu’assombrir un tableau déjà noir. Mais la reconstruction qui s’impose maintenant peut devenir une chance : Mayotte, forte de ses ressources humaines et naturelles, peut devenir le modèle d’un urbanisme vivant et résilient.

Lorsque le typhon a balayé Mayotte, il n’a pas seulement laissé derrière lui des maisons détruites, des terres inondées et des infrastructures en ruine. Il a révélé, dans sa violence, l’urgence qu’il y a à repenser ce territoire non pas comme une simple surface à aménager, mais comme un organisme vivant. L’île, déjà fragile face aux crises climatiques, doit désormais affronter une vérité incontournable : continuer à construire des murs rigides contre des vents et des pluies toujours plus puissants, c’est s’enfermer dans une impasse.

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Le typhon a exposé les failles d’un urbanisme hérité de logiques importées, rigides et indifférentes aux spécificités du milieu. Mais il a aussi ouvert une fenêtre, celle d’un urbanisme organique qui ne cherche pas à contrôler la nature, mais à coopérer avec elle, à tisser des liens entre le sol, l’eau, les flux d’air, les végétaux et les humains.

Construire en lien avec le vivant

À Mayotte, cette reconnexion commence avec les matériaux. Abandonner les ciments importés et les tôles standardisées pour privilégier des ressources locales, comme le bambou, le cocotier, les feuilles de bananier ou même les fibres de sisal, ce n’est pas seulement une question de coût ou d’écologie : c’est reconnaître que ces matériaux, issus du vivant, réagissent mieux aux contraintes climatiques. Leur souplesse face aux vents, leur capacité à respirer sous les fortes chaleurs, leur biodégradabilité naturelle s’alignent avec les rythmes de l’île. Les constructions en terre battue stabilisée, mêlant argile, sable et liant organique, pourraient redonner au bâti une relation intime avec le sol. Les structures en bambou, légères et résistantes, pourraient dessiner des maisons capables de fléchir au lieu de rompre sous la force des vents.

Mais le défi va au-delà des murs. Il s’agit d’imaginer des habitats qui participent activement aux cycles du vivant : des toitures végétalisées pour capter et filtrer l’eau de pluie, des murs qui intègrent des jardins ve


[1] Voir Tim Ingold, Une brève histoire des lignes (2011), traduit de l’anglais par Sophie Renaut, Zones sensibles, 2013, et Robin Wall Kimmerer, Tresser les herbes sacrées. Sagesse ancestrale, science et enseignements des plantes (2021), traduit de l’anglais par Véronique Minder, Le Lotus et l’éléphant, 2021.

Bernard Kalaora

Socio-anthropologue, Chercheur à l'IIAC (CNRS, EHESS), ancien président de l’association LITTOCEAN

Notes

[1] Voir Tim Ingold, Une brève histoire des lignes (2011), traduit de l’anglais par Sophie Renaut, Zones sensibles, 2013, et Robin Wall Kimmerer, Tresser les herbes sacrées. Sagesse ancestrale, science et enseignements des plantes (2021), traduit de l’anglais par Véronique Minder, Le Lotus et l’éléphant, 2021.