Numérique

Sommet IA : la nécessaire sécession sémantique européenne

Sociologue

Un sommet pour quoi ? Suivre les voies tracées par d’autres puissances pour leurs IA opaques purement statistiques ? Ou soutenir une voie européenne fondée plutôt sur la sémantisation des IA et qui redonnerait le contrôle du sens de ces IA et du droit ? Des initiatives poursuivant cet objectif existent d’ailleurs depuis longtemps.

L’heure est au choix, à la bifurcation. Et non à la copie du maître colonisateur ou de ses adversaires, ni à la course après un retard fantasmé si l’on comprend que les LLM (Large Language Models) ne sont qu’un moment provisoire dans l’histoire de l’IA. Le coup de force d’Open AI en 2022 avec son IA générative a provoqué une sidération, puis un suivisme puis une agitation en forme de tunnel cognitif comme dans toute tyrannie du retard : il faut suivre à tout prix pour ne pas rater le train (ce que les investisseurs savent très bien faire et même provoquer).

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Mais en janvier 2025, DeepSeek a peut-être ouvert les yeux de certains : on peut faire autrement, on aurait pu faire autrement et à quoi bon suivre un train qui va dans le mur ? Si retard il y a, cela nous donne au contraire le temps de bifurquer radicalement. Car toute la mystification des IA génératives fondées sur une approche statistique massive apparait désormais pour ce qu’elle est : une opération de levée de fonds et de prédation sur l’innovation en même temps qu’une emprise colonialiste sur la construction d’une architecture de connaissance partagée qui ne respecte aucune des valeurs des démocraties européennes mais s’aligne très bien sur l’oligarchie autoritaire qui s’installe aux USA et dans plusieurs pays du monde.

Un sommet de l’IA ne doit pas viser une harmonisation impossible entre des technologies portées par des régimes dictatoriaux et des firmes irresponsables et prédatrices. Il doit affirmer que, après la dérive des plateformes de réseaux sociaux, après la captation de rentes des plateformes de commerce et d’information, il est temps de faire sécession et de développer nos propres modèles d’IA. Sécession et non seulement souveraineté, qui reste toujours un mot d’ordre pétri de bonnes intentions mais toujours trop diplomatique et finalement impuissant car sans vision.

On a bien compris que le multilatéralisme est mort avec Trump. On sait qu’il n’existera aucune possibilité de gouvernanc


Dominique Boullier

Sociologue, Professeur à Sciences Po (Paris), chercheur au Centre d'études européennes et de politique comparée (CEE)