Cinéma

Combien pèse votre film ? – sur The Brutalist de Brady Corbet

Critique

Le voilà ! The Brutalist, film-monument réinterrogeant l’histoire de l’Amérique et de la modernité, croulant sous les superlatifs, attendant un triomphe aux Oscars. Mais cette arrivée en fanfare ne cherche-t-elle pas à fabriquer le chef-d’œuvre ? Si le film n’est pas dénué de singularité ni de moments saisissants, il oublie les principes du brutalisme : jouer avec les masses pour rendre le lourd léger, et peine à conjurer sa propre pesanteur.

Attention, convoi exceptionnel ! Depuis sa présentation à la Mostra de Venise en septembre dernier (où il a récolté le Lion d’argent de la meilleure mise en scène), les trois heures et demie de The Brutalist arrivent auréolées d’une réputation d’œuvre épique « comme on n’en fait plus », en bonne place pour les Oscars et enquillant déjà les superlatifs.

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Exploit d’autant plus stupéfiant que les deux premiers longs-métrages de Brady Corbet (L’Enfance d’un chef, 2015, et Vox Lux, 2018) n’ont pas été distribués chez nous et que le cinéaste débarque presque par magie dans notre champ cinéphile. Mais convoi exceptionnel signifie-t-il, pour autant, « chef-d’œuvre automatique » ?

Trois heures et demie, donc, en deux parties (séparées par un entracte) et un épilogue, pour narrer le destin de László Tóth, architecte juif hongrois, ancien élève du Bauhaus, rescapé de Buchenwald et arrivant aux États-Unis en 1947.

Après avoir été accueilli à Philadelphie par un cousin, marchand de meubles, ayant renié sa judéité et américanisé son patronyme, Tóth rencontre Harrison Van Buren, industriel local qui va lui passer plusieurs commandes, puis lui proposer d’accueillir sa femme Erzsébet, restée coincée en Europe à cause de son lourd handicap, ainsi que leur nièce orpheline Zsófia. La nouvelle vie des Tóth devient donc tributaire de la famille Van Buren. L’hospitalité de ces mécènes, si prompts à accueillir cette famille de brillants réfugiés, est-elle forcément synonyme de rêve américain ?

Le film, par son format même (tourné sur pellicule suivant le procédé VistaVision, celui de Vertigo, quasiment inusité depuis les années 1960), revendique son anachronisme. Mais le film n’est-il qu’un artefact vintage ? Son succès vient évidemment remplir un vide (celui du grand film hollywoodien adulte), mais n’est sans doute pas uniquement imputable à la nostalgie. Il fait sans doute aussi écho à des interrogations, pour ne pas dire des inquiétudes, contemporaines. Revisiter les figures de


[1] Une idée peut-être confirmée par le choix détonant de la musique du générique de fin, le tube disco « One for You, One for Me » (1978) de La Bionda.

[2] L’anecdote a même donné son titre à un documentaire sur l’architecte : How Much Does Your Building Weigh, Mr. Foster ? (2010), par Carlos Carcas et Norberto López Amado.

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] Une idée peut-être confirmée par le choix détonant de la musique du générique de fin, le tube disco « One for You, One for Me » (1978) de La Bionda.

[2] L’anecdote a même donné son titre à un documentaire sur l’architecte : How Much Does Your Building Weigh, Mr. Foster ? (2010), par Carlos Carcas et Norberto López Amado.