Cinéma

Judith Davis : « Je cherche à réunir des mondes dans le même cadre »

Critique

Comment aligner son quotidien avec ses convictions féministes et écologiques ? Pour son deuxième long-métrage, Bonjour l’Asile, Judith Davis et son collectif théâtral rêvent d’un lieu du possible, utopie concrétisée dans la friche bretonne. Le spectacle est rare et réjouissant d’engagement, jusque dans sa création. À la Galerie Cinéma, où costumes et fresques de l’œuvre sont exposés, la réalisatrice revient sur sa méthode, personnelle et collective, pour faire drôlement des films drôles et politiquement des films politiques.

Six ans après Tout ce qu’il me reste de la révolution, Judith Davis revient avec Bonjour l’asile. Si elle signe seule la réalisation, le film reste l’émanation de L’Avantage du Doute, collectif théâtral qui écrit et joue ses propres spectacles sans metteur en scène attitré. Collectif qui aime surtout mettre en scène, au-delà de ses propres doutes, ses paradoxes et difficultés – mais aussi ses joies ! – à accorder son quotidien avec ses convictions féministes et écologistes.

En l’occurrence, le film démarre sur les retrouvailles mouvementées de deux amies de longue date, Jeanne l’urbaine et Elisa la néo-rurale, qui se rendent compte qu’elles ne sont plus sur la même longueur d’onde. L’amitié peut-elle exiger de fermer les yeux sur ce qui crispe les deux femmes : maternité accaparante, charge mentale, déséquilibre au sein du couple ? Jeanne part alors se ressourcer à l’HP du coin, ancien hôpital psychiatrique, devenu tiers-lieu rebaptisé Hospitalité Permanente. En bifurquant vers cet étonnant décor – une utopie concrétisée dans la lande bretonne – le film trouve son propre terrain de jeux, à tous les sens du terme. Ce fragile lieu d’accueil, vers lequel convergeront divers personnages et lignes narratives, s’avérera une scène de réinvention de soi, comme de son rapport aux autres.

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Bonjour l’asile offre le spectacle rare d’un engagement très articulé (jusque dans la fabrication de l’œuvre) qui aurait métabolisé dans la franche comédie. Le film est assurément l’un des plus drôles vu depuis longtemps, l’un des plus hybrides aussi, convoquant aussi bien l’art brut, le stand-up que la maïeutique émotionnelle des groupes de paroles. Voilà surtout un film qui remet en jeu sa forme et son propos au fur et à mesure qu’il se déroule devant nos yeux, et qui – en tressant notations de mœurs, élans libertaires et remises en cause plus perturbantes de carcans intériorisés – dessine un bel éloge de l’amitié comme premier des engagements politiques.

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