Géopolitique(s) de l’intelligence artificielle
Le 20 janvier dernier, l’arrivée de DeepSeek-R1 a laissé pantois le monde de la Tech. La start-up technologique chinoise DeepSeek a annoncé la sortie de deux grands modèles de langage (LLM) qui rivalisent avec les performances des outils dominants développés par les géants technologiques américains, notamment OpenAI et son célèbre ChatGPT… mais construits, en principe, avec une fraction du coût et de la puissance de calcul nécessaires à ce dernier.
S’il y en avait encore besoin, le « tremblement de terre » DeepSeek a montré que l’intelligence artificielle est (géo-)politique. Les enjeux de cet ordre sont multiples, de plus en plus centraux dans la vie de nos sociétés et de nos systèmes politiques, et touchent à la fois à la souveraineté technologique, à la sécurité nationale et à la domination économique. De plus en plus, l’argument est acquis que la maîtrise des modèles de fondation de l’IA, des données qui l’alimentent, et des semi-conducteurs et autres matériaux qui « construisent » nos objets informatiques façonnera l’ordre mondial de demain, avec des tensions croissantes entre les grandes puissances pour imposer leur vision et leurs intérêts.

Les modèles culturels et géopolitiques qu’on peut voir en Europe, aux États-Unis, en Chine, en Russie, influencent les développements de l’IA et la régulation qui est mise en place, par une variété de moyens, dans ces différentes régions. Cet article se propose de faire un rapide (et donc, nécessairement, un peu schématique par endroits…) tour d’horizon de ces différences régionales, avant de tirer quelques conclusions sur les principaux « bras de fer » entre grandes puissances autour de l’IA.
Russie : l’IA comme « bras armé » d’un autoritarisme récent
En Russie, l’IA est actuellement de plus en plus utilisée comme un des outils dans l’arsenal à disposition du pouvoir pour renforcer son contrôle sur internet. À partir du début des années 2010 notamment, la Russie a mis en œuvre un certain nombre de mesures afin d