International

Trumpinoscope :
les lois de la téléréalité

Écrivain

Du « clash historique » entre Trump et Zelensky dans le bureau Ovale au « revirement spectaculaire » de l’accord pour un cessez-le-feu en Arabie Saoudite, du yoyo quotidien des droits de douane au running gag des executive orders, les médias accompagnent avec délectation les rebondissements de la téléréalité trumpienne. Autant de stases d’une télégouvernance qui ruine l’espace même de la démocratie dans lequel une opposition pourrait prendre pied, assoir sa légitimité, se transformer en résistance.

La vidéo a fait le tour du monde. Un plan séquence de 40 minutes au cours duquel Donald Trump et JD Vance houspillent sans relâche Volodymyr Zelensky dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. Une semaine plus tard en Arabie saoudite les deux parties scellent un projet d’accord « spectaculaire » qui fait mentir les commentaires les plus alarmants de la médiasphère. Pendant ce temps à la Maison-Blanche, Donald Trump et Elon Musk en plein conflit d’intérêt se prêtent à une opération de promotion des voitures Tesla dont l’action en bourse est en chute libre.

publicité

L’agenda de la présidence américaine se donne à lire comme une suite incohérente de chocs médiatiques dont le seul but est de capter l’attention. Ne cédons pas à cet engrenage qualifié improprement de « narratif » qui organise justement une dé-narrativisation de la vie politique. Le « clash » dans le bureau ovale entre Zelensky et Trump/Vance mérite d’être analysé soigneusement comme un épisode pilote qui contient dans son déroulement même tous les éléments de la téléréalité trumpienne.

La scène du bureau ovale est plus qu’un décor, c’est un acteur, le troisième de cette dispute mémorable. Le caractère protocolaire des lieux tranche sur la violence de l’affrontement. L’aaggression rompt le protocole des rencontres entre chefs d’État, viole le secret des négociations.  De ce clash les médias ont retenu surtout le verbatim comme si la transgression résidait dans le choix des mots, l’escalade des propos échangés. La tentation est grande en effet de voir dans cette dispute un accident discursif, un dérapage verbal.

Pourtant si l’on coupe le son, l’échange ne perd rien de sa violence. Il gagne même en intensité. On voit des mains s’agiter dans l’espace clos du Bureau ovale transformé en volière. Elles volètent au-dessus des invités sagement assis côte à côte sur les canapés, tournoient comme des chauves-souris autour des têtes. Zelenski vêtu de noir en est la cible. Il se tient droit, assis sur le rebord de so


Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)