Une œuvre cinémato-graphique – sur « Jean-Luc Godard, le typographe à la caméra »
On sait bien que le jeu sur les mots dérobés, prononcés, imprimés, commentés dans les films de Jean-Luc Godard fait partie de son langage cinématographique — on se souvient de génériques tricolores, d’enseignes lumineuses, d’extraits de magazines et de romans découpés, récités, et incorporés à ses réalisations.

Par ailleurs, on connaît un peu les rapports de Jean-Luc Godard à l’édition : l’assiduité du cinéaste à traduire le cinéma en mots et en images imprimées est généralement dégradée au rang des « produits dérivés », pour reprendre l’expression d’Antoine de Baecque à propos de ses publications des années 1990, extensions embarrassantes — disons-le impures — de la production d’un cinéaste dont le nom en est venu à désigner le cinéma-même, et dont on aimerait penser que l’œuvre se réduit au cinéma.
Or à se pencher sur ses publications, on peut constater — quantité, diversité, continuité — qu’elles ne se sont jamais interrompues : textes critiques dans les années cinquante (ils seront plusieurs fois recueillis en volumes), scénarios, composition du sublime n° 300 des Cahiers du cinéma sous la forme d’une correspondance illustrée (1979), auquel répondra le fameux n° 317-318 réalisé par Marguerite Duras sous la houlette du même Serge Daney : Les Yeux verts. C’est aussi l’écriture et la composition des Histoire(s) du cinéma publiées en quatre volumes dans la collection Blanche en 1998 non pas chez Gallimard mais chez… Gallimard-Gaumont ! Procédant « comme certains livres de Duras », c’est encore la magnifique série de poèmes cinématographiques édités par P.O.L. sous la forme de « phrases (tirées d’un film) » dans les années 1990 [1], et que Paule Palacios-Dalens rapproche justement des Images en paroles d’Anne-Marie Miéville [2]. Son dernier film, intitulé Le Livre d’image (2018) connaîtra une publication luxueuse sous le même titre, comme si littérature et cinéma s’étaient enfin conciliés [3], dans une sorte de réponse tardive à Marguerite Duras qui lui dis