Société

La pénalisation croissante des discours de haine : un phénomène inquiétant ?

Juriste

Les contenus publiés sur les réseaux sociaux doivent respecter les lois encadrant la liberté d’expression, les chartes de modération des plateformes privées et ne doivent pas être signalés par un trop grand nombre d’utilisateurs. Toutes ces couches de régulation contribuent à redéfinir les contours du principe démocratique de liberté d’expression. Les réseaux sociaux posent ainsi de nombreux défis aux régulateurs alors que le cadre législatif français se fait de plus en plus répressif vis-à-vis des discours litigieux.

«Si l’on ne croit pas à la liberté d’expression pour les gens qu’on méprise, on n’y croit pas du tout. » Cette citation de Noam Chomsky résume l’une des questions les plus épineuses du débat sur la liberté d’expression aujourd’hui : où se situe la limite entre la protection des individus contre des propos haineux et la sauvegarde d’un débat démocratique où toutes les opinions peuvent s’exprimer, même les plus dérangeantes ?

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La recrudescence des discours haineux, amplifiée par les nouvelles technologies, soulève cette interrogation. À l’ère du numérique, la liberté d’expression se heurte à de nouveaux défis. Les réseaux sociaux, espaces d’échange et de débat, sont aussi le théâtre de discours parfois violents, polémiques ou haineux. Face à ces dérives, la tentation de la répression s’accroît.

Mais où placer la frontière entre la nécessaire protection des individus, particulièrement des groupes vulnérables, et la préservation d’un environnement où la diversité des opinions et la critique des institutions restent possibles ? En France, comme dans de nombreuses sociétés démocratiques, le droit réprime certaines formes d’expression, notamment celles incitant à la haine ou à la violence. Toutefois, la tendance récente à recourir au droit pénal pour encadrer l’expression soulève une question fondamentale : en voulant protéger certains groupes contre les discours discriminants, ne risque-t-on pas de restreindre excessivement la liberté d’expression, au détriment du pluralisme démocratique ?

L’incrimination des discours de haine : une réponse aux dérives de la liberté d’expression

La liberté d’expression constitue un pilier fondamental des démocraties libérales et demeure, selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, « l’un des droits les plus précieux de l’homme[1] ». Elle garantit la confrontation des idées, la critique des institutions et l’épanouissement du débat public. Protégée par les instruments des droits de l’homme[2], elle englobe à la fois


[1] Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 11.

[2] Déclaration universelle des droits de l’homme, article 19 et Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 19.

[3] Convention européenne des droits de l’homme, article 10, paragraphe 1.

[4] Cour européenne des droits de l’homme, 7 décembre 1976, n° 5493/72, Handyside contre Royaume-Uni, paragraphe 49.

[5] G. Muhlmann, « Les mots et les actes. Retour sur Charlie Hebdo », dans E. Zoller, G. Muhlmann, E. Decaux, La liberté d’expression, coll. à savoir, Dalloz, éd. 1, 2015, p. 17.

[6] Cour européenne des droits de l’homme, 23 septembre 1994, n° 15890/89, Jersild c. Danemark, paragraphe 30.

[7] Article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[8] Article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[9] Article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[10] Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 2017, n° 16-85.637.

[11] Cour d’appel de Paris, 12 décembre 2018, Légipresse 2019/367, p. 11.

[12] Loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.

[13] Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

[14] Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

[15] Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

[16] Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui a consacré l’article 621-1 du Code pénal et la Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, qui abroge l’article 621-1 du Code pénal et créé l’article 222-33-1-1 du Code pénal.

[17] Loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

[18] Conseil constitutionnel, n° 2020-801, 18 juin 2020, Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur inter

Justine Vinay

Juriste, Doctorante en droit à l’Université Jean Moulin Lyon 3

Notes

[1] Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 11.

[2] Déclaration universelle des droits de l’homme, article 19 et Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 19.

[3] Convention européenne des droits de l’homme, article 10, paragraphe 1.

[4] Cour européenne des droits de l’homme, 7 décembre 1976, n° 5493/72, Handyside contre Royaume-Uni, paragraphe 49.

[5] G. Muhlmann, « Les mots et les actes. Retour sur Charlie Hebdo », dans E. Zoller, G. Muhlmann, E. Decaux, La liberté d’expression, coll. à savoir, Dalloz, éd. 1, 2015, p. 17.

[6] Cour européenne des droits de l’homme, 23 septembre 1994, n° 15890/89, Jersild c. Danemark, paragraphe 30.

[7] Article 24, alinéa 7, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[8] Article 32 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[9] Article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

[10] Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 novembre 2017, n° 16-85.637.

[11] Cour d’appel de Paris, 12 décembre 2018, Légipresse 2019/367, p. 11.

[12] Loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme.

[13] Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe.

[14] Loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

[15] Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

[16] Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui a consacré l’article 621-1 du Code pénal et la Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur, qui abroge l’article 621-1 du Code pénal et créé l’article 222-33-1-1 du Code pénal.

[17] Loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

[18] Conseil constitutionnel, n° 2020-801, 18 juin 2020, Loi visant à lutter contre les contenus haineux sur inter