De l’art du recyclage – sur Fables d’Anne-James Chaton
Qu’est-ce qu’une fable ? C’est, nous dit le dictionnaire Robert, un « petit récit à base d’imagination […] destiné à illustrer un précepte […] ». C’est aussi une « anecdote, nouvelle ou allégation mensongères ». Au vu de ces définitions, Fables, le nouveau livre d’Anne-James Chaton, peut-il être considéré comme un recueil de fables ? Pour le dire autrement, trouve-t-on des fables dans Fables ? Ou encore, les fables de Fables sont-elles des fables?

On l’aura compris, l’extrême simplicité du titre n’est pas extrêmement simple. Elle est pourtant l’une des caractéristiques du travail d’Anne-James Chaton, à savoir le littéralisme et l’énoncé performatif (le fameux « quand dire c’est faire »). Les fables de Fables d’Anne-James Chaton seraient des fables parce que c’est marqué dessus. Le titre énonce donc ou, si l’on veut, performe l’intention d’une inscription générique de l’ensemble des textes recueillis dans le livre.
Mais allons un peu plus loin dans notre réflexion : le titre (Fables) se superpose à la mention du genre (fables) que le livre souhaite rallier. Il invite celui-là dans celui-ci et vice versa. Ce tour de passe-passe rhétorique n’est pas nouveau. Un certain nombre de titres de la littérature, plus encore des arts plastiques ou de la musique, sont en réalité des mentions de genre ou des indications d’ordre technique ou formel : Poésies (Lautréamont), Transcription (Heimrad Bäcker) ou, plus malicieusement, Poèmes fondus (Michelle Grangaud). On sait tout le parti qu’ont tiré les écrivains et les artistes en jouant (et se jouant) de ces mentions explicitement voire lourdement référentielles afin d’éprouver et de redéfinir limites, emprises et frontières génériques.
Pour Anne-James Chaton, ce sera Fables, titre et genre. Héritage de l’objectivisme américain, des techniques du cut-up, bien sûr de la philosophie analytique anglo-saxonne, ce littéralisme qui prend le mot au mot, ou au pied de la lettre, nettoie en quelque sorte l’écriture de tout effet st