Littérature

Lève-toi aube tant désirée ! – sur Arrêt sur enfance de Manuela Draeger

Écrivain

Après Antoine Volodine qui a publié en 2024 Vivre dans le feu, dernier livre signé de son nom, c’est au tour de Manuela Draeger, l’une de ses hétéronymes, de tirer sa révérence. Arrêt sur enfance explore une situation limite. L’aube n’arrive pas à se lever. L’aube, apprend-on dans ce conte merveilleux, est fille d’un meurtre symbolique. Chaque nuit pour que le matin se lève, il faut tuer « le Gros » dans ses rêves. Mais qui est « le Gros » ?

Après Antoine Volodine qui a publié en janvier 2024 son dernier livre Vivre dans le feu (Le Seuil), c’est au tour de Manuela Draeger de tirer sa révérence avec Arrêt sur enfance. ll ne restera plus alors que la publication de Retour au goudron du collectif Infernus Iohannes (l’Olivier) pour clore l’œuvre post-exotique, un corpus hybride de plusieurs milliers de pages attribué à une centaine d’auteurs dont Antoine Volodine serait le porte-parole.

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Le conditionnel est ici de rigueur tant l’entreprise post-exotique doit rester ouverte, marqué du sceau du possible. Avec Antoine Volodine on n’en finit pas d’explorer la fin. Fin d’une œuvre annoncée qui comptera au final 49 volumes signés de son nom ou de l’un de ses nombreux hétéronymes qui forment la compagnie des écrivains « post-exotiques ». Le terme mériterait d’être défini, ce que se garde bien de faire Antoine Volodine, son architecte, son horloger, son deus ex machina.

Quand on s’approche de la fin d’une telle aventure littéraire, il est normal de ralentir le pas et de s’interroger sur la nature de cet objet littéraire en devenir, sa cohérence et sa distribution, son obscurité et sa luminosité ; comme autant d’étoiles dans une constellation. Il ne faut surtout pas la confondre avec une saga, une série ou un feuilleton. Elle n’obéit pas à une intrigue, ignore la tension narrative et ne se confie qu’à une forme de révélation, l’exploration d’un monde caché.  Elle n’est pas composée d’épisodes narratifs mais d’épiphanies poétiques, avec ses « Narrats », ses « entrevoûtes », ses « Shaggås » et autres romånces. L’œuvre post-exotique serait un recueil d’épiphanies, ces révélations qui sont l’œuvre de l’inconscient et de ses nombreux sourciers.

Le post-exotisme est par définition inachevé, un ovni littéraire, un projet qui ne peut s’accomplir qu’en déjouant toute définition de genre ou d’espèce. Le post-exotisme est un trait d’union entre des écrivains et des écritures, une marque qui regroupe des récits singuli


Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)

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