Sur le retour en grâce du conclave
L’époque est aux conclaves. Celui du film d’Edward Berger (2024), récompensé aux Oscars ; celui des retraites, voulu par François Bayrou et ouvert le 27 février ; celui que la mort du pape François rend désormais imminent.

Il serait tentant de ne voir ici qu’une simple coïncidence. Quoi de commun, en effet, entre l’adaptation cinématographique d’un roman, qui glisse rapidement d’une description méticuleuse de la curie et de ses intrigues, au thriller clérical sous influence hollywoodienne et de là à la farce absurde, une pirouette lexicale de la communication politique pour tenter de relancer le dialogue social sans revenir devant l’Assemblée ni organiser un référendum et une très ancienne procédure de désignation élective du successeur du pape défunt ? A priori, rien, sauf l’illusion que procure un même mot.
Tout indique, pourtant, que cette rencontre n’est pas entièrement fortuite et en tout pas totalement dépourvue de signification. Depuis quelques jours, en effet, nous sommes confrontés aux manifestations nombreuses et diverses de la curiosité étonnée, critique ou ironique, des médias et du public pour l’assemblée des cardinaux. Mais nous découvrons aussi parfois à cette occasion leur tentation d’établir une forme de lien entre les enjeux réels du conclave et un imaginaire complotiste qui tient le secret pour la confirmation qu’il y a bien quelque chose à cacher, la complexité des procédures pour la preuve de l’ampleur des ambitions personnelles des papables et de leurs partisans, l’ancienneté du rituel pour le signe ou le stigmate d’une institution dépassée, incapable de se réformer et de se moderniser, sauf de manière cosmétique. Le conclave fantasmé contamine le conclave à venir.
Comment comprendre autrement, l’envolée spectaculaire des vues en streaming du film de Berger depuis la mort du pape (+280% ; 7 millions de vues en une journée), comme s’il ne s’agissait pas seulement d’un divertissement mais aussi d’une source d’information utile et fiable