Exposition

Musée-témoin – sur « L’art dégénéré : le procès de l’art moderne sous le nazisme »

Critique d'art

L’exposition actuellement présentée au Musée Picasso reprend le titre d’une exposition tristement célèbre qui se tint en 1937 à Munich, présentant des œuvres (dis)qualifiées « d’art dégénéré » par le régime nazi. En retraçant la façon dont le IIIe Reich associa l’art moderne à la maladie mentale et en usa pour stigmatiser les avant-gardes – mais aussi parfois, pour en tirer de l’argent –, l’exposition montre comment l’idéologie nazie s’appuyait sur un système de représentation, mettant dès lors en garde notre époque contemporaine contre l’ingérence du pouvoir dans la création artistique.

Il peut paraître aujourd’hui difficile, ou même impensable, qu’une exposition d’œuvres d’art fasse office de « cabinet des horreurs ». Celle-ci servirait de repoussoir, de parangon sordide puis de contre-exemple à la liberté qui entoure nécessairement la création. Est resté dans nos livres d’histoire un terme complexe et unique : celui d’ « art dégénéré », lequel a rejoint celui d’autodafés mais aussi d’enfer parmi les vocables construits pour classer et parfois disqualifier, détruire ou insulter ceux qui sont le cœur battant de notre vie démocratique : les artistes et leurs œuvres.

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Au seuil de l’exposition du Musée Picasso, une question me hante, car en me remémorant les actuelles polysémies de la censure : sommes-nous à l’orée d’un travail d’historien·nes de l’art, d’archivistes, de contemporanéistes en prise avec les tourments de notre monde ? Peut-être sommes-nous face à une démarche de militant·es qui viendraient défendre l’art, les artistes et les formations artistiques pour certaines actuellement en crise ? C’est à ces questions qu’il me faudrait répondre, entre la terreur et l’effroi du sujet, accompagné pour cela d’un appareillage critique et historique ample et condensé.

Afin de mieux comprendre le contexte, l’exposition du Musée Picasso Le Procès de l’art moderne sous le nazisme porte sur une expression « Entarte Kunst » et l’exposition qui l’accompagne, L’art dégénéré, inaugurée à Munich en 1937. Terme forgé par le médecin Max Nordeau, il est le point d’orgue et le mitan d’une campagne d’une violence inouïe du régime nazi contre les artistes et ce qui n’est pas encore une « histoire de l’art moderne et des avant-gardes ». Le projet périlleux de l’équipe de Johan Popelard s’inscrit non dans la reproduction de l’exposition même, bien que de nombreuses œuvres et artistes correspondent, mais bien dans un propos curatorial, scientifique et critique qui vient « présenter les différentes facettes d’une histoire » non pas pour comprendre, mais pour rap


Léo Guy-Denarcy

Critique d'art