Le fantasme peul
La délimitation entre une Afrique « blanche » et une Afrique « noire », associée à la tripartition entre populations considérées comme « blanches », « rouges » ou « noires », s’est accompagnée elle-même d’une fragmentation du paysage social africain en une myriade d’ethnies. Cette représentation raciale et ethnique de l’Afrique n’a cessé de hanter l’imaginaire colonial et elle a continué d’être opérante dans l’esprit des intervenants extérieurs (armées étrangères, organisations internationales, ONG de toute sorte), comme dans celui des populations concernées.

L’opposition entre un Nord essentiellement « blanc » c’est-à-dire touareg, un centre « rouge » peul et un Sud « noir » mandingue ou mossi dresse en effet le spectre d’un conflit ethnique et identitaire majeur au Mali et au Burkina Faso, de même qu’il est censé fournir la trame explicative et éclairer les ressorts du djihadisme et du terrorisme actuels dans ce pays[1].
Si les Touaregs sont considérés comme la population-type du Sahara, les Peuls sont vus quant à eux comme un groupe ethnique charnière, à la fois racialement, parce que « rouges », et géographiquement, parce que résidant dans cette zone de transition climatique qu’est le Sahel. Tout comme les Touaregs, les Peuls, dispersés dans toute l’Afrique de l’Ouest, mais dont le Mali est l’un des principaux points d’ancrage, n’ont cessé d’alimenter l’imaginaire occidental. La code de conduite ou l’ethos peul (pulaaku), synonyme de liberté, a été ainsi extrêmement valorisé par certains anthropologues spécialistes de cette population, mais aussi par certains de leurs représentants les plus connus durant la période coloniale. Il continue d’être promu par les multiples associations peules qui existent dans les villes maliennes, notamment à Bamako, mais également dans d’autres pays d’Afrique et en Europe et qui portent pour beaucoup dans leur intitulé le terme pulaaku. L’une des plus importantes de ces associations est certainement « Tabital Pulaaku Inte