Le Gallois réfractaire – sur L’Oeuvre poétique II de Dylan Thomas
Il n’est pas toujours simple de parler de poésie, ni aisé de célébrer un poète disparu depuis déjà quelque temps. On cherche une accroche, un angle, qu’on s’efforce de discerner, à tort ou à raison, dans une soi-disant « actualité » parallèle. Procédé assurément facile, voire paresseux, mais qui peut s’avérer utile. Dans la poésie du poète gallois Dylan Thomas (1914-1953), récemment remise sur le devant de la scène par les Éditions Arfuyen, on peut ainsi « entrer » par le biais de ses poèmes composés pour l’essentiel lors des moments les plus noirs du Blitz londonien, alors que des civils de tous âges mourraient toutes les nuits par milliers sous les bombes, et réunis en 1946 sous le titre Morts et Entrées.

Londres, hier ; aujourd’hui, Kiev, Gaza, etc. Les bombes continuent de pleuvoir (presque) partout, et l’identification s’en trouvera facilitée avec un poète qui individualise les victimes anonymes, ainsi telle « enfant de quelques heures / La bouche calcinée prête à pétrir / Le noir mamelon d’une tombe / Fouie par sa mère, contre ces bras chargés de feux. » Entrer par-là, donc, au plus près des « victimes du raid mené à l’aube », sous l’œil du poète indigné à l’idée de mêler les ossements « au charroi commun », et ô contraire impatient de dire au monde comme « à sa rue » que le vieillard centenaire tombé « là où il avait aimé sur les pavés fendus », « stoppa un soleil dans son dos ». Mais si l’Histoire aide à pénétrer dans la seconde moitié de l’œuvre, c’est pour la forme, essentiellement, qu’on y reste « aussi longtemps que toujours sera. »
Longtemps, sa réputation a brouillé les pistes. Connu, Thomas le fut surtout pour de mauvaises raisons. On retient ses frasques, ses cuites, ses infidélités, mais on oublie ses vers, sans même parler de son existence ordinaire à laquelle son image de poète tantôt maudit, tantôt adulé comme une rock star a fait de l’ombre. Davantage d’ombre que de lumière, alors que le poète se voulait fils (son) du soleil (sun). Du