Littérature

Puissance des courants sous-marins – sur Un nouveau nom de Jon Fosse

Écrivain

En dépit de la renommée mondiale de sa poésie, l’œuvre romanesque de Jon Fosse, lauréat norvégien du Nobel de littérature, reste encore méconnue en France. Un autre nom, dernier volet de sa Septologie traduit en français, apparaît comme un grand roman du dédoublement : par des jeux d’homonymie, un dispositif narratif complexe et une temporalité bousculée, Fosse s’efface en peignant et dé-peignant les limites du romanesque.

Publié en 2021, Un nouveau nom est le troisième et dernier volume de l’imposante Septologie de l’écrivain norvégien Jon Fosse, dont l’œuvre de romancier et de poète reste étrangement méconnue en France en dépit du succès qu’y a connu son théâtre dans les mises en scène de Claude Régy ou Patrice Chéreau et, plus récemment, Gabriel Dufay.

publicité

Il faut y insister : à ce jour, la poésie mondialement réputée du prix Nobel 2023 demeure inédite en français, quand seule une petite moitié de ses romans ont été traduits, essentiellement aux éditions Circé par Terje Sinding (dont le très court et somptueux roman de fantôme qu’est Matin et soir), avant que les éditions Bourgois ne prennent le relais pour cette Septologie en confiant la traduction à Jean-Baptiste Coursaud.

Œuvre de la maturité, dont les différents volumes sont parus en rafale en Norvège avant d’être aussitôt traduits en anglais, La Septologie, entamée avec Un autre nom (2019, traduit en 2023) et poursuivie avec Je est un autre (2020 et 2024), avant d’atteindre ici le second pilier de l’arche qu’elle déploie, a certainement été déterminante dans l’attribution du Nobel de littérature en 2023. Quand bien même l’académie suédoise aurait mis l’accent sur « l’indicible » auquel « l’écriture innovante » de Fosse aurait « donné une voix » au théâtre comme dans ses romans, on ne peut que s’attarder sur l’invention radicale qu’apporte la Septologie en terme de narration, invention qui est le fruit de toute l’œuvre qui précède, et plus particulièrement des « romans de fantôme », ainsi que Fosse lui-même qualifie ceux qu’il a écrits dans les premières années de ce siècle, après une grosse décennie essentiellement dévolue à son théâtre jouant comme aucun autre du silence.

Alors qu’il a beaucoup insisté sur l’aisance avec laquelle il a écrit ces sept journées précédant Noël qui constituent la Septologie, comme s’il lui avait suffi de les laisser se dévider à travers lui ou, pour se rapprocher des métaphores qui sont les


Bertrand Leclair

Écrivain, Critique littéraire