Curtis Yarvin et le grand complot
L’entretien donné par Curtis Yarvin au Grand Continent développe avec emphase et transparence les ressorts de la théorie complotiste sur la pandémie de Covid-19. Ce qui est effarant, c’est qu’il ne s’agit pas (ou plus) du raisonnement tordu d’un geek anarcho-libertaire mais d’une vision du monde qui inspire le vice-président des États-Unis et qui dessine une ligne de conduite pour y établir une monarchie impériale. Il convient donc de le déconstruire.

Lorsque Curtis Yarvin dit : « Le Covid est arrivé parce que les virologues régentent la virologie », il les accuse d’avoir causé la pandémie intentionnellement ou accidentellement – sa phrase « quelqu’un a fait tomber un tube à essai » laisse planer le doute – par les recherches en gain-de-fonction sur les coronavirus de chauves-souris[1]. Cette accusation est régulière dans la virologie financée par les États-Unis : Jeffery Taubenberger fut accusé de la même façon en 2005 après avoir reconstruit le virus H1N1, qui avait causé la pandémie de grippe de 1918 ; Ron Fouchier et Yoshi Kawaoka le furent aussi en 2011 après avoir fabriqué un virus H5N1 recombiné avec le virus H1N1, qui avait causé la pandémie de grippe de 2009[2].
Ce qui est nouveau, c’est qu’en 2005 et 2011, les virologues étaient accusés de diffuser une information qui pouvait être utilisée par un « État voyou » ou un groupe terroriste, alors qu’après 2020, Peter Dazak a été accusé de sous-traiter au laboratoire de Wuhan les recherches en gain-de-fonction sur les coronavirus, parce qu’elles y coûtaient moins cher et parce qu’elles étaient interdites aux États-Unis, alors que la Chine a été déclarée « rival systémique » par la première puissance économique du monde.
J’ai montré que ces controverses dans le monde de la « santé globale » opposent deux types de pouvoir[3]. D’une part, les virologues exercent un « pouvoir cynégétique », lorsqu’ils prennent le point de vue des animaux à travers les virus qu’ils partagent avec les humains, fabriquent des