Si loin, si près – sur « L’horizon sans fin »
Le Château de Caen procure à qui franchit son enceinte une singulière sensation de captation et de flottement, dans cette esplanade où l’aménagement moderne a laissé une large place au vide. De cette sorte de sensation qui advient, paraît-il, en parcourant la pharaonesque City[1], l’œuvre de Michael Heizer dans le désert américain, quand le geste constructeur monumental, puissamment médiéval à Caen, terriblement XXe siècle dans le Nevada, fait s’évanouir l’horizon et ainsi vaciller, serait-ce un instant, la juste perception de l’étendue.

Pour peu que la visiteuse, le visiteur, se destinent au Musée des Beaux-Arts, iels auront tôt fait d’être autrement captés. Bien sûr par l’architecture du musée, d’une modernité bien orthogonale, et bientôt par la proposition de l’exposition qu’iels sont sans doute venus voir : « L’horizon sans fin », qui en sous-titre installe son envergure historique « de la Renaissance à nos jours », rien de moins. Résolument thématique, le parcours aussitôt construit et reconstruit son objet en convoquant la passion scopique et euclidienne qui a saisit l’Europe du XVe siècle et qui nourrit toujours notre regard, pour peu que l’on s’accorde à le cultiver.
C’est donc dans le lieu clos des salles de musée, presque aveugle et pourtant disponible à tant de dimensions que s’ouvre l’horizon. L’horizon comme figure, une figure que Céline Flécheux, co-commissaire avec Emmanuelle Delapierre, directrice dudit musée[2], fréquente de longue date par un travail d’histoire de l’art mené en philosophe[3], autour de ce « paradoxe pour la pensée (… qui) doit rendre tangible et concret ce qui se situe à la limite de la visibilité avant d’ouvrir à l’imaginaire », comme elle l’écrit en introduction du consistant catalogue[4]. Voici l’horizon assigné par le fait d’être inassignable, d’être cet inassignable qu’il revient aux images des artistes d’assigner. L’horizon comme paradoxe, note encore Jean-Christophe Bailly, « puisque tout en agissant comme une limi