Cinéma

La police américaine dans la caméra de John Marshall — à propos de Pittsburgh Police Series

Chercheuse en études visuelles

Réalisée au tournant des années 1970 au sein de la police de Pittsburgh, la série documentaire de l’anthropologue et cinéaste américain John Marshall dresse le portrait d’une société empêtrée dans des tensions sociales et communautaires que l’institution policière ne fait qu’exacerber. La présentation de ces films – les 24 et 28 juin dans les cinémas d’Aubervilliers et de Bagnolet – offre l’occasion de retracer la genèse de ces documents inédits et de questionner leur résonance avec la situation actuelle en France.

publicité
« He is facing, daily and nightly, people who would gladly see him dead, and he knows it.
He moves through Harlem, therefore, like an occupying soldier in a bitterly hostile country,
which is precisely what, and where, he is. »
James Baldwin, Nobody Knows My Name.

 

Huit mois de mobilisation des Gilets Jaunes ont vu le seuil de la violence physique dite « légitime » augmenter de manière inédite, avec près de trois cents enquêtes judiciaires visant les forces de l’ordre et la comptabilité stricte tenue par les victimes de violences policières sur les réseaux sociaux. Les collectifs « Désarmons-les ! », « Allô Place Beauvau ? » ou encore « Le Mur Jaune » ont entrepris de recenser le nombre de blessés (près de 2 500, conséquence des quelques 20 000 tirs de LBD), mais au-delà des chiffres, ce sont les images, virales, de ces violences qui ont joué un rôle-clé parmi les formes de témoignage dénonçant un recours disproportionné à la force.

L’usage des caméras, ne serait-ce que celles des téléphones portables, a pris une telle ampleur qu’il n’est pratiquement plus possible pour un fonctionnaire de police de commettre une bavure sans qu’une personne le filme — quand nul témoin n’est présent, ce sont les policiers eux-mêmes qui, visiblement peu inspirés, enregistrent leurs propres écarts, comme dans le cas des 150 lycéens forcés de s’agenouiller à Mantes-la-Jolie en décembre dernier. Ces courtes séquences vidéos posent la question de la fonction et des régimes de vérité de ces images : elles jouent rarement, sinon jamais, un rôle dans les enquêtes judiciaires menées par l’IGPN, et leur valeur de témoignage est systématiquement mise en doute dès lors que la logique de la situation déborde les limites du cadre.

Il n’empêche que leur multiplication et l’ampleur de leur circulation ont mis au jour le caractère pour le moins trouble, sinon ambigu, de l’action policière dans l’espace public depuis quelques années. Elles ne révèlent pas seulement les écarts important


[1] Il y restera persona non grata pendant près de vingt ans et sera forcé de venir tourner au Botswana.

[2] Théâtre des premières émeutes au début des années 1960.

[3] « If his huge hands, barrel chest and easy Irish smile do not betray his occupation, his glib, salty speech is unmistakably that of a lawman. Yet in nearly every other way, Reddin is a very uncoplike cop. His tastes are mildly intellectual. Virtually every attraction that comes to the Los Angeles Music Centre is on his list, and with his wife Betty he attends night courses at U.C.L.A., theirs subjects ranging from archaeology and modern art to drama and « Man in Contemporary Society ». He is perhaps the only cop on the country who cultivates the acquaintance of a score of psychiatrist – all of whom meet with him about once a month to discuss the attitudes f policemen and the police community-relations program »

[4] Ces chefs de police tels que Curtis Brostron à St Louis, Patrick Murphy à Washington (l’homme qui canalisa les émeutes consécutives à l’assassinat de Martin Luther King avec seulement dix morts dans une ville qui comptait alors 66% de résidents noirs), Herbert Jenkins à Atlanta, le premier chef de police à avoir embauché des officiers noirs au nez et à la barbe du gouverneur de l’état, Lester Maddox, ouvertement raciste, ou Howard Leary à New York.

[5] Archives personnelles de John Marshall, Bibliothèque Nationale de France.

Alice Leroy

Chercheuse en études visuelles, Enseignante en histoire et esthétique du film

Rayonnages

Cinéma Culture

Notes

[1] Il y restera persona non grata pendant près de vingt ans et sera forcé de venir tourner au Botswana.

[2] Théâtre des premières émeutes au début des années 1960.

[3] « If his huge hands, barrel chest and easy Irish smile do not betray his occupation, his glib, salty speech is unmistakably that of a lawman. Yet in nearly every other way, Reddin is a very uncoplike cop. His tastes are mildly intellectual. Virtually every attraction that comes to the Los Angeles Music Centre is on his list, and with his wife Betty he attends night courses at U.C.L.A., theirs subjects ranging from archaeology and modern art to drama and « Man in Contemporary Society ». He is perhaps the only cop on the country who cultivates the acquaintance of a score of psychiatrist – all of whom meet with him about once a month to discuss the attitudes f policemen and the police community-relations program »

[4] Ces chefs de police tels que Curtis Brostron à St Louis, Patrick Murphy à Washington (l’homme qui canalisa les émeutes consécutives à l’assassinat de Martin Luther King avec seulement dix morts dans une ville qui comptait alors 66% de résidents noirs), Herbert Jenkins à Atlanta, le premier chef de police à avoir embauché des officiers noirs au nez et à la barbe du gouverneur de l’état, Lester Maddox, ouvertement raciste, ou Howard Leary à New York.

[5] Archives personnelles de John Marshall, Bibliothèque Nationale de France.