La cryptomonnaie Libra, pile et face
Pratiqué de manière permanente et plutôt invisible, le pouvoir monétaire s’exerce parfois sur un mode beaucoup plus démonstratif : quelques jours après l’annonce par Facebook et un consortium de 27 sociétés de lancer une cryptomonnaie globale en 2020, les autorités américaines ont lancé une série d’avertissements et de convocations aux responsables du projet.

La semaine dernière, la commission des services financiers de la Chambre des Représentants (dirigée par une démocrate) et la commission bancaire du Sénat (à majorité républicaine) ont demandé un moratoire sur le projet et lancé des convocations aux responsables, notamment à David Marcus, patron de Calibra, qui gère la mise en œuvre de cette nouvelle devise. Quant à l’audition de Mark Zuckerberg devant les sénateurs nord-américains, ne doutons pas qu’elle sera suivi avec beaucoup d’attention, par les zélateurs comme par les détracteurs de Libra (nom cette nouvelle espèce numérique).
Les réactions des élus des deux chambres ne sont pas étonnantes car le F des GAFA (accompagné de Uber, Visa, Mastercard, Spotify…) est en train de mordre sur une prérogative essentielle de tout Etat, celui du privilège de battre monnaie. Depuis la mise en circulation des pièces de monnaies dans l’Antiquité, la frappe est en effet un acte politique : Paul Veyne note que dans l’Empire romain, « Les monnayages ne font qu’éterniser les mérites du prince à la face du ciel, du temps, de la postérité, de l’éternité. Le premier soin d’un prétendant au trône, d’un « usurpateur », était de frapper monnaie et particulièrement de la monnaie d’or. ». Aujourd’hui, lorsqu’on lit le livre blanc publié lors de l’annonce du lancement de la Libra, on lit qu’il émane de gens « convaincus que le développement de l’inclusion financière, le soutien des intervenants éthiques et la défense continue de l’intégrité de l’écosystème relèvent de notre responsabilité commune. » Dans le discours, il ne s’agit donc pas tant d’ajouter une fonctionnalité au