Numérique

Un « tournant infrastructurel » des politiques de l’IA ?

Sociologue

Choose France, Adopt IA, Sommet européen sur la souveraineté numérique : ces derniers mois, plusieurs dizaines de milliards d’investissements ont été annoncés à l’endroit du numérique et plus particulièrement des infrastructures soutenant le déploiement de l’IA. Effets d’annonces ou non, l’attention portée vers les centres de données signe la montée en puissance d’une attention des pouvoirs publics vers des acteurs économiques jusqu’alors peu connus du monde de la tech.

Le Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, qui s’est tenu en février 2025, a fait grand bruit dans le monde numérique français. Les annonces d’investissements y ont été considérables, à la mesure des ambitions diplomatiques françaises souhaitant à la fois recentrer l’agenda politique sur le segment international et sur un sujet qu’il considère comme l’une de ses chasses gardées.

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Mais ce qu’a principalement mis en lumière cette cérémonie technophile est la place croissante des infrastructures qui conditionnent en grande partie le développement des différents modèles d’intelligence artificielle : les centres de données. Ce premier moment a trouvé écho le 19 mai dernier, à l’occasion de la huitième édition du sommet « Choose France ». Ces promesses d’afflux de capitaux à destination de l’Hexagone étaient évoquées lors de l’édition précédente du même événement, durant lequel se profilait déjà une attention nouvelle et soutenue pour ces opérateurs d’infrastructures. Ces sommets successifs ont ainsi été l’occasion d’observer un double mouvement de la part de l’exécutif : redescendre aux couches et acteurs qui fondent le substrat du numérique, pour ensuite prendre du recul et remonter à un politique économique d’ensemble.

Que nous apprend cette riche actualité sur le développement de certains mondes économiques d’internet ? Comment comprendre cet attrait relativement soudain de la part de l’État pour la matérialité du numérique, en l’occurrence par l’entrée que constitue l’IA ? Serions-nous en présence d’un retour à un « colbertisme high-tech »[1], au regard de l’intervention étatique qui prend la forme d’une politique industrielle cohérente et de la montée en puissance de la catégorie polysémique qu’est la « souveraineté numérique » ?

Quand les centres de données touchent les sommets

Alors que les déclarations d’investissements se multipliaient ces derniers mois, certains opérateurs de centres de données n’ont pas manqué de rappeler l’importance et


[1] Élie Cohen, 1992, Le Colbertisme « high tech ». Économie des Télécom et du Grand Projet, Paris, Hachette 404 p.

[2] Marquet Clément, 2018, « Ce nuage que je ne saurais voir. Promouvoir, contester et réguler les data centers à Plaine Commune », Tracés, 2018, no 35, p. 75-98.

[3] L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le Laboratoire National de Métrologie et d’Essais (LNE) et le Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN).

[4] Johnson Alix, 2023, Where Cloud Is Ground: Placing Data and Making Place in Iceland, Oakland, California, University of California Press, 210 p.

Victor-Manuel Afonso Marques

Sociologue, Membre du Centre Émile Durkheim (UMR CNRS 5116)

Notes

[1] Élie Cohen, 1992, Le Colbertisme « high tech ». Économie des Télécom et du Grand Projet, Paris, Hachette 404 p.

[2] Marquet Clément, 2018, « Ce nuage que je ne saurais voir. Promouvoir, contester et réguler les data centers à Plaine Commune », Tracés, 2018, no 35, p. 75-98.

[3] L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), le Laboratoire National de Métrologie et d’Essais (LNE) et le Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN).

[4] Johnson Alix, 2023, Where Cloud Is Ground: Placing Data and Making Place in Iceland, Oakland, California, University of California Press, 210 p.