Morizot et Zhong Mengual : « Le rapport difficile du public à l’art contemporain n’est pas un problème de connaissances »
Sont-ce les œuvres qui ne veulent pas de moi ? Ce n’est pas qu’elles soient mauvaises le plus souvent, comme dit Deleuze, c’est qu’elles n’ont aucun intérêt. Je vais lire le cartel : c’est un charabia agrammatical de sophiste destiné à intimider le visiteur. Mais l’artiste n’est peut-être pas aussi mauvais que l’auteur.e de ce texte coupable. Ou alors Rameau est trop savant mais, comme dit Diderot, c’est la faute de son auditeur. Je ne me suis peut-être pas assez mis à la place du créateur. Est-ce que cet élan vital, ce désir qui caractérise l’amateur d’art m’a fait défaut ? Je n’arrive pas à me projeter dans ses gestes, ses idées, aucun neurone ne vient faire le miroir face à ça. Ou bien c’est autre chose encore.
Savoir comment un monde (un usage du monde, esthétique et politique) naît et se partage, se fait commun, est au cœur des recherches d’Estelle Zhong Mengual et de Baptiste Morizot. La première est historienne de l’art. Elle a publié récemment l’Art en commun sur la réinvention des formes du collectif en temps néolibéral. Où il s’agit de penser le lien entre art participatif et participation politique. Le second est philosophe, maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille. Dans Sur la piste animale, il montre comment se mettre à la place d’autres formes de vie. Ce faisant, il interroge « l’énigme politique par excellence de vivre en commun dans un monde d’altérités ». Ensemble, ils ont cosigné l’an dernier Esthétique de la rencontre. EL
Votre essai s’ouvre sur un scandale : à la fois une difficulté à penser, un caillou dans la chaussure philosophique, et aussi sur une chose qui n’ose jamais se dire : que la plupart du temps, il n’y a pas de rencontre entre le public amateur d’art contemporain et les œuvres qui lui sont proposées.
Notre livre prend en effet pour point de départ une expérience récurrente dans des expositions d’art contemporain, qui a longtemps constitué une énigme pour nous : pourquoi avons-nous souvent le sentiment qu’il ne se passe rien ? Les œuvres semblent comme indisposées à entrer en relation avec nous, et nous sortons froids, indifférents, intacts. Il n’y a pas eu de rencontre. Pour expliquer ce phénomène, on trouve habituellement deux types de justification : la première est que le public ne serait pas suffisamment formé à l’art contemporain pour apprécier les œuvres ; la seconde est que l’art contemporain serait une vaste supercherie. Ces deux explications nous semblaient profondément insatisfaisantes. L’une fait porter entièrement le fardeau de l’échec au visiteur, en le culpabilisant ; l’autre relève à notre sens d’un diagnostic très grossier de la création contemporaine, ouvrant la porte au conservatisme. Dans les deux cas, cela condamne la possibilité même qu’il y ait relation. Nous essayons de penser le problème autrement. Il y a cette loi toute simple croisée maintes fois dans l’intimité : quand une relation est dysfonctionnelle, on ne peut pas décemment faire porter la faute à un seul des termes. C’est la composition qui fait problème. Nous avons donc posé le problème en termes relationnels : qu’est-ce qu’il s’est passé historiquement pour que le rapport aux œuvres d’art contemporain soit majoritairement aujourd’hui de l’ordre de l’échec de communication ?
Et c’est vrai que nous considérons que cette expérience de non-rencontre relève d’une anomalie, ce n’est pas la norme de la relation aux œuvres. Il nous est à tous arrivés d’être frappés, transformés, saisis par une œuvre, que ce soit un livre, une série, un tableau, une chanson, une photographie : c’est ce que nous appelons dans le livre une rencontre individuante. Cette capacité qu’a une œuvre de venir transformer notre manière de se relier au monde, de s’y rapporter est en partie ce qui nous pousse à fréquenter l’art, et ce qui pousse les artistes aussi à créer. La question devient ainsi : pourquoi cette expérience de rencontre est-elle devenue si rare quand il s’agit d’une œuvre d’art contemporain ?
Votre hypothèse est qu’une partie de l’art contemporain se rend volontairement « indisponible » à l’amateur d’art. Comment en serait-il venu là selon vous ? Peut-on décrire certaines des techniques utilisées pour empêcher la rencontre ?
Nous identifions en effet une tentation de l’art contemporain à se rendre indisponible. Cela ne concerne pas la totalité de la création, cela n’aurait pas de sens, cela relève davantage d’une tendance, d’un chemin qu’empruntent certaines œuvres. L’indisponibilité, c’est très particulier comme disposition pour une œuvre. Ce n’est pas que l’œuvre nous dérange, nous perturbe, mais qu’au contraire, elle ne déclenche rien, ni affect, ni question, ni pensée, ni sensation. Elle nous laisse de marbre. C’est comme si elle se refusait à donner quelque chose, à produire des effets, à souscrire même à l’ambition d’en produire. Or qu’est-ce qui peut bien pousser un artiste à vouloir en quelque sorte désamorcer son œuvre ? Cela paraît très contre-intuitif de choisir ce chemin, or les artistes ne sont pas des idiots, ni des incapables : cela signifie qu’ils ont dû rencontrer un problème très aigu pour en arriver là. A notre sens, cela s’explique en partie par un changement récent dans notre manière de recevoir les œuvres, c’est ce que nous appelons le paradigme de la digestibilité. Il faut un peu déplier ici. L’industrie culturelle nous a habitués ces dernières décennies à des produits qui sont caractérisés par leur très grande digérabilité : ce sont des produits caractérisés par le fait d’être assimilable de façon très fluide, sans heurt (c’est le goût pour le livre comme page-turner par exemple), de procurer des émotions-minute, de venir confirmer notre vision du monde plutôt que de l’ébranler. On traverse ces produits facilement, sans qu’ils ne laissent de traces durables en nous, ce qui nous permet de passer rapidement à la digestion d’un autre produit. C’est une forme de réception qui peut être très agréable, une sorte de comfort art comme il y a du comfort food, et qui n’est pas forcément problématique en soi. Le problème, c’est que comme nous fréquentons de manière dominante ce type de produits culturels, cela en est venu à transformer nos habitudes dans la manière de recevoir des œuvres en général, cela en est venu à transformer nos attentes, et en partie notre goût. On a pris l’habitude d’avoir un rapport digestif aux œuvres, c’est-à-dire d’instrumentaliser l’œuvre pour nos propres besoins émotionnels. On est devenus plus réticents à toutes les œuvres qui ne viennent pas instantanément satisfaire ces besoins. Et on applique probablement cette habitude de réception à toutes les œuvres que nous rencontrons, même à celles qui n’ont pas été créés comme produits culturels digérables. Notre hypothèse est que les artistes ont senti ce changement de nature de la réception artistique, et face à ce risque de neutralisation digestive, ils ont choisi une solution radicale : pour ne pas être digérable, ils se sont rendus absolument indigestes. Ils préfèrent la non-rencontre à la digestion.
Ce choix de l’indigeste est par exemple manifeste dans la forme que prennent régulièrement les vidéos en art contemporain. La vidéo constitue un médium familier, a priori directement compatible avec nos habitudes de réception digestives, c’est la vidéo de deux minutes sur Youtube. Il y a une séduction immédiate de ce médium de par ses puissances propres. Mais les artistes emploient souvent la vidéo à rebours complet de ce qui fait son attractivité : le montage est haché, l’image floue, le son coupé ou tonitruant, la narration absente, le sujet filmé fixe ou inanimé. L’ensemble de ces choix ne peut s’expliquer seulement par une recherche plastique (car pourquoi la recherche plastique passerait-elle systématiquement par l’exploration de procédés qui rendent l’œuvre irregardable ou inécoutable ?) : cela s’explique à notre sens davantage par cette tentation de rendre l’œuvre non digérable, d’empêcher qu’elle soit traversée par le visiteur comme la majorité des vidéos qu’il fréquente en ligne par exemple. Mais ce faisant, cela rend la possibilité d’une rencontre extrêmement fragile : c’est pourquoi l’indigérabilité ou la non-rencontre est bien une solution, mais c’est une solution suicidaire à un problème réel et pertinent.
Le terme « rencontre » s’inscrit a priori dans l’héritage de Simondon et Deleuze. Est-elle similaire à la rencontre amoureuse que vous évoquiez tout à l’heure en parlant d’« intimité » ? En quoi consiste-t-elle ?
Le terme de rencontre, tel que nous l’employons dans ce livre, excède le sens commun de rencontre : il ne désigne pas seulement une mise en présence. Nous l’utilisons comme un concept précis, c’est pourquoi nous parlons de rencontre individuante. C’est l’un d’entre nous qui a forgé ce concept à partir de la notion d’individuation chez le philosophe Gilbert Simondon. Chez Simondon, l’individu n’est pas pensé comme une entité fixe et stable : il est pensé comme un processus (c’est l’individuation) en lien constant avec l’extériorité. C’est une réforme très profonde et très belle dans notre manière de considérer les êtres. Cela signifie par exemple que ce qui caractérise un individu, ce n’est pas tant la somme de ses attributs déterminés que sa manière singulière d’être inabouti. Donc ouvert à l’extériorité. C’est ce que nous appelons dans le livre la part d’irrésolu de chacun. Et bien sûr, cet inachevé prend sa forme originale chez chacun du fait de ses pans sociologiquement structurés. Une rencontre individuante donc, c’est un événement qui vient dialoguer avec cette part d’ouvert et d’inachevé en nous, et ainsi qui infléchit notre trajectoire d’individuation. Cela peut avoir lieu avec une œuvre, mais aussi avec une idée, une lutte, une personne, un endroit, un non-humain, ce n’est pas exclusif au domaine artistique. De ce point de vue, il y a des similarités en effet entre une rencontre avec une œuvre et une rencontre amoureuse, notamment dans la capacité de la rencontre à ne pas nous offrir ce qu’on pensait rechercher (c’est le modèle de la réception digestive), mais à rebattre les cartes de ce que l’on désire, par ce dialogue précisément avec notre part d’irrésolu.
Comment l’esthétique de la rencontre se positionne-t-elle par rapport à la « fin de l’esthétique » ? On sait que l’existence même de l’expérience esthétique est remise en question à la fois par la philosophie analytique et les études culturelles, entre autres. Vous citez Jean-Marie Schaeffer et sa tentative de la rapporter aux neurosciences. En quoi la rencontre est-elle ou n’est-elle pas une expérience esthétique ?
Voilà un problème massif et un concept très clivant. Gilles Deleuze disait quelque chose comme : « Ne soyez pas pour, ne soyez pas contre, parlez d’autre chose ». C’est une maxime philosophique qui rend très bien compte de ce que l’on a voulu faire avec Esthétique de la rencontre. Le livre n’est pas né d’une critique des positions en présence. Notre projet consistait à construire la formulation d’un problème philosophique autonome et cohérent, suffisamment vivant pour qu’une fois lâché, il suive son chemin propre, son trajet de vie spontané, et se déplace de lui-même sur le territoire multiforme de la question de nos rapports à l’art. Il s’agissait ensuite de le pister, de le suivre sans jamais perdre sa trace, sans se laisser dérouter par les autres problèmes théoriques massifs qui animent le champ (l’expérience esthétique, la sociologie du goût). Sans se laisser embarquer par les formulations déjà existantes qui sont des attracteurs puissants (objectif/subjectif, conservatisme vs avant-garde, individuel vs collectif…). C’est sur ce chemin singulier, sur ce transect, qu’on rencontre ensuite, c’est ça qui est drôle, presque par hasard, des problèmes théoriques majeurs de notre époque concernant l’art, comme la question du jugement objectif ou subjectif à l’égard des œuvres, ou la question du relativisme du goût. De ce point de vue, déterminer si la rencontre individuante est ou n’est pas une expérience esthétique ne fait pas vraiment sens pour nous : ce serait comme faire rentrer de force notre proposition dans des habits qui ne sont pas à sa taille, c’est-à-dire dans une formulation des problèmes qui lui est étrangère.
Votre essai apporte des réponses à certaines questions essentielles de l’esthétique. En particulier le fait que, souvent, devant une œuvre, fût-elle classique et étiquetée « chef d’œuvre », il ne se passe rien pour telle ou telle personne, sans que pour autant l’œuvre soit indisponible…
À nouveau, nous ne traitons pas frontalement de la question du chef-d’œuvre, c’est trop gros pour nous, mais finalement on le croise sur notre propre chemin. Voilà comment. On peut penser la rencontre avec une œuvre comme mise en tension entre une singularité dans l’œuvre et cette part d’irrésolu en nous. C’est ce qui a lieu, par exemple, lorsque adolescent, pour la première fois, on trouve dans les morceaux de tel musicien, une mise en forme de tensions invivables à l’intérieur de soi, une forme de résolution muette de celles-ci. Une configuration nouvelle de ces tensions qui les traduit, les vectorise ; qui les transforme mais les respecte, qui les apprivoise et les vivifie dans le même temps. Elles sont toujours bien vivantes, mais plus vivables. C’est ce qu’on appelle une rencontre individuante avec une œuvre.
Or cette dernière peut être collective. Une même œuvre peut être l’occasion d’une rencontre individuante pour plusieurs personnes, et ce selon des lignes analogues. Chacun a pu en faire l’expérience : il est fréquent par exemple de parler de tel film à un ami et de constater que ce sont les mêmes aspects précis qui nous ont marqués, cette scène, ce geste, ce plan, ce silence ; que les deux formulations de cette expérience de rencontre sont quasi identiques. On a l’habitude d’expliquer ce phénomène par l’idée sociologique de dispositions ou de traits partagés en amont : X et Y sont tous les deux issus de ce milieu, donc ils aiment tous les deux cela. Ce serait parce qu’ils ont eu des trajectoires d’individuation sociales similaires, et ainsi des pans individués en commun, que X et Y seraient frappés par les mêmes choses. Mais si l’on accepte que les individus ne sont pas des entités fixes, mais davantage ces archipels composés de parts déjà achevées et de parts d’irrésolu, alors ce phénomène de rencontre individuante partagée avec une œuvre permet une autre interprétation. Plutôt que nos structures individuées, ce seraient les pans irrésolus qui dialogueraient dans la rencontre. C’est ce qui n’est pas encore achevé, formé, structuré qui constitue un fond commun partagé par des individus. La part d’irrésolu en chacun est ce qui permet qu’une rencontre individuante avec une œuvre puisse être partagée avec d’autres, qu’elle puisse être collective. C’est toute la beauté de la chose : un nœud de perplexité, un type d’ambiguïté intime, un pan problématique du soi peuvent être partagés par plusieurs. Nous avons en commun jusqu’à nos manières d’être irrésolus. La rencontre avec une même œuvre peut ainsi « résoudre » de manière très proche ces tensions communes et nous individuer en commun.
Mettre en relation la part d’irrésolu de plusieurs individus serait ainsi une forme particulière du type de collectif que peut créer l’art. C’est en quelque sorte la prise de conscience de cette incomplétude partagée – nécessaire à une vie saine, qui cherche à résoudre les tensions vitales en entrant en relation avec d’autres humains – qui permet de constituer ici du commun.
Une œuvre d’art peut jouer ainsi le rôle de catalyseur de collectif : un objet capable de faire communiquer la part d’irrésolu de toute une série d’individus, et capable d’individuer de manière collective cette part d’irrésolu. En tant qu’objet capable d’individuer parallèlement des hétérogènes, c’est-à-dire de faire émerger du collectif là où il n’y en a pas, une œuvre d’art constitue un objet profondément politique. Et ces collectifs peuvent entrer par là dans des dissensus plus clairs, plus intenses, avec d’autres collectifs.
C’est une définition parmi d’autres, mais peut-être pas inintéressante du chef d’œuvre : une œuvre capable de faire dialoguer ce qu’il y d’inachevé en chacun, et d’ouvrir un chemin privilégié à la constitution du commun. Et à celle du désaccord.
Pour continuer sur cette piste, que dit l’esthétique de la rencontre de la question de la « démocratisation » de l’art ou de son « communisme » au sens littéral ? Concernant l’art contemporain, en particulier, celui-ci ne cesse de se vouloir « inclusif »… Comment faire « l’art en commun », pour reprendre le titre de votre essai, Estelle Zhong Mengual ?
En analysant l’échec de communication récurrent entre œuvres d’art contemporain et visiteurs comme une indisponibilité des œuvres, nous remettons en cause l’idée reçue selon laquelle cet échec serait dû au fait que le regardeur ne serait pas assez formé aux règles du jeu de l’art contemporain, ou pas suffisamment ouvert d’esprit, pas suffisamment « à la pointe » pour percevoir ce qui se joue. C’est d’ailleurs une position largement intériorisée par les visiteurs qui sortent régulièrement d’une exposition en disant « Je n’ai pas compris », comme s’il y avait eu effectivement quelque chose à saisir et qu’ils n’auraient pas été à la hauteur. On ressort avec cette idée selon laquelle l’art contemporain, ce n’est pas pour nous, cela sort du domaine des choses qui nous sont adressées. La formulation « démocratisation de l’art » n’est pas de ce point de vue très heureuse, car elle entérine en partie cette manière de poser le problème. Cela s’est traduit par une première conception de la médiation dans les musées comme apport de connaissances sur l’artiste, sur le mouvement, sur les formes : cela validait d’une certaine manière une déficience supposée du visiteur, et cela reconduisait une relation verticale, asymétrique entre art et public. Mais aujourd’hui, d’autres approches fleurissent qui tentent précisément non pas de former le public, mais d’imaginer quelles seraient les conditions favorables à une rencontre individuante avec une œuvre, qu’est-ce que l’on pourrait faire pour rendre possible, pour préparer une rencontre ? Cela passe en partie par le fait d’inventer d’autres manières d’entrer en relation avec l’art contemporain que via une fréquentation muséale, qui a été instaurée par inertie comme le mode ultra dominant de relation. De ce point de vue, l’action Nouveaux commanditaires, qui se déploie dans toute l’Europe, est très intéressante par la reconfiguration complète des relations à l’art contemporain qu’elle propose : l’idée est que les citoyens ne soient plus seulement public de l’art contemporain, mais à l’initiative de sa création. Leur est ouverte la possibilité d’être commanditaire d’une œuvre en un sens particulier : non pas en finançant l’œuvre, mais en formulant la raison d’être de sa création. Une situation qu’ils rencontrent, une question qui les anime peut devenir le point de départ d’une œuvre. Par exemple, comment imaginer le futur quand on est un réfugié syrien hébergé dans l’ancien aéroport de Tempelhof à Berlin ? Un artiste intervient ensuite pour tâcher de répondre à cette demande initiale. Quand on rencontre les commanditaires, on est souvent étonnés par la manière extrêmement fine et articulée dont ils parlent de l’œuvre créée, alors même qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans un musée d’art contemporain. L’œuvre s’ancre dans une nécessité vécue, dans une situation partagée, et cela les place ainsi dans une position privilégiée pour qu’il y ait effectivement rencontre. Cela montre bien que le rapport difficile du public à l’art contemporain n’est pas un problème de connaissances, c’est un problème de mode de relation, et c’est ce qu’a très bien saisi ce dispositif des Nouveaux commanditaires. C’est un exemple parmi d’autres. Si vous changez les règles du jeu de telle sorte à créer des conditions favorables pour une rencontre avec une œuvre, alors une relation avec l’art contemporain peut se nouer très vite.