Désertions – sur Sirāt d’Oliver Laxe
Sensation du dernier festival de Cannes, Sirāt devrait singulièrement élargir l’audience d’Oliver Laxe en même temps que provoquer des réactions clivées. Alliant rythmique techno, mysticisme concret et quête filiale, le film est un voyage qui livre son propre traité de désertion pour affronter un monde au bord du précipice.

Anecdote révélatrice. La première projection de presse de Sirāt, fin juin dernier dans la somptueuse salle du Max Linder, était aussi copieusement remplie que celle d’un Scorsese. Surtout, une bonne partie de l’assistance revenait voir le film, découvert à peine un mois auparavant à Cannes. Sirāt n’est pourtant pas le genre de film qu’on oublie rapidement. Visiblement, il fascine. Il hypnotise. Il crée le besoin d’y revenir. Certes, ne négligeons pas le simple plaisir de repartir pour un nouveau tour de manège, surtout pour une immense majorité de spectateurs ne connaissant que de loin la culture transgressive de la free party. Certes aussi, le film est volontairement perturbé dans sa seconde partie par des scènes pour le moins secouantes [no spoiler !] et une deuxième vision permet sans doute de voir si et comment il tient au-delà de ses effets choc.
Mais quelque chose de plus crucial et énigmatique se joue autour de cette œuvre. De toute évidence, elle a fait passer un palier à Oliver Laxe, cinéaste, jusque-là assez confidentiel, devenu soudainement signataire du « blockbuster d’auteur » de la saison, combinant grand spectacle et prise – même indirecte –avec les angoisses contemporaines : un monde qui doit faire avec le retour de la guerre, la violence aveugle et une désorientation générale, crises qui rendent encore plus salvatrices les valeurs du collectif et du plaisir, tout en les reconfigurant.
Le pitch du récit d’aventures est un apparent trajet en ligne droite. Un père et son fils d’une dizaine d’années débarquent en corps étrangers dans une rave-party au Maroc, au pied du massif de l’Atlas. Ils espèrent y retrouver leur fille,