Théâtre

Émanations d’être au bord du vide – sur le théâtre de Jon Fosse

Écrivain

« Rêve d’automne » pour les amateurs de Jon Fosse : en cette rentrée, plusieurs créations renouvellent l’approche de son œuvre théâtrale. Au T2G, Daniel Jeanneteau et Mammar Benranou se risquent à la mise en scène d’une des premières pièces de l’auteur tandis qu’au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, Gabriel Dufay dévoile un montage de textes introduisant à l’art de Fosse – deux propositions très différentes qui ravivent l’énigme du spectral, de la présence pétrie d’absence, de ce que l’on voit mais qui n’existe pas.

Après la création déterminante de Quelqu’un va venir par Claude Régy aux Amandiers de Nanterre, en 1999, Jon Fosse a été abondamment joué au début de ce siècle, en France comme il l’était partout en Europe ; outre Claude Régy qui s’y est employé plusieurs fois, la chronique se souvient en particulier des mises en scène de Thomas Ostermeier à La Colline (Der name (Le nom), 2001), Jacques Lassalle à Lausanne (Un jour en été, 2001) ou Patrice Chéreau au Théâtre de la Ville (Rêve d’automne, 2010). Après un court ressac, une nouvelle vague de créations suit l’attribution du prix Nobel en 2023 et la découverte tardive, en France, de l’œuvre romanesque de Jon Fosse telle qu’elle éclaire puissamment son théâtre (et respectivement) – en attendant que l’édition française se décide enfin à publier sa poésie mondialement reconnue.

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Cette nouvelle vague théâtrale ne manque pas de relever d’une approche différente de la première. Il ne s’agit plus de donner à découvrir la langue aussi simple que profonde d’un auteur sculptant le silence entre les mots banals de femmes et d’hommes ordinaires, parfois clownesques, pour faire jaillir l’étrange inquiétude de ces personnages ou, plus exactement, de ces émanations d’êtres qui, incarnées par des comédiens jouant de leurs propres fragilités, semblent saisis à l’instant de prendre conscience du vide existentiel sous la routine d’existences construites dans le déni du tragique et la passion des biens matériels.

Il s’agit désormais d’interroger cette œuvre majeure à nouveaux frais, d’en renouveler l’approche, et c’est ce que, de manière très différente, font cette rentrée, d’une part, Daniel Jeanneteau et Mammar Benranou au T2G de Gennevilliers que le premier nommé dirige et où ils se risquent avec bonheur à la création d’une des premières pièces de Fosse qui n’est certainement pas la plus facile à mettre en scène, Et jamais nous ne serons séparés (le « et » ayant toute son importance), texte d’une force indéniable et déroutante qu


[1] Écrire, c’est écouter – entretiens avec Gabriel Dufay, L’Arche, 2023

[2] traduit du norvégien par Camilla Bouchet et Gabriel Dufay.

[3] traduit du norvégien par Camilla Bouchet et Gabriel Dufay

[4] Voir l’article consacré à la parution du troisième et dernier volume de sa Septologie, au printemps dernier.

Bertrand Leclair

Écrivain, Critique littéraire

Notes

[1] Écrire, c’est écouter – entretiens avec Gabriel Dufay, L’Arche, 2023

[2] traduit du norvégien par Camilla Bouchet et Gabriel Dufay.

[3] traduit du norvégien par Camilla Bouchet et Gabriel Dufay

[4] Voir l’article consacré à la parution du troisième et dernier volume de sa Septologie, au printemps dernier.