Quand l’IA générative altère la sociabilité au travail
En mai 2025, lors d’un entretien avec le podcasteur Dwarkesh Patel (rediffusé sur sa chaîne YouTube), Mark Zuckerberg, PDG de Meta (la maison-mère de Facebook), dévoile sa vision pour combattre « l’épidémie de solitude » qui frappe les sociétés occidentales[1] : créer des « amis IA » personnalisés capables d’interactions constantes et sur mesure. « L’Américain moyen a moins de trois amis proches mais en aurait besoin de quinze », explique-t-il, avant d’ajouter que l’intelligence artificielle pourrait combler ce déficit relationnel en offrant des compagnons virtuels qui « vous connaissent bien et vous comprennent de la même façon que les algorithmes de votre fil d’actualité ».

Cette proposition, formulée avec le détachement d’un ingénieur-dirigeant d’entreprise face à un problème technique, révèle une conception purement instrumentale des relations humaines. Elle survient alors que des chercheurs de Harvard révèlent, dans un rapport sur la solitude[2], que 73 % des personnes interrogées considèrent la technologie comme la principale cause de leur isolement social. Plus troublant encore, cette vision commence à se matérialiser dans nos environnements professionnels où les interactions avec des IA génératives se substituent progressivement aux échanges entre collègues. Si l’on ne peut pas encore en anticiper pleinement les effets à long terme, des signes de changement sont déjà repérables dans les modes de travail contemporains. Se pose alors la question de comment cette transformation silencieuse affecte-t-elle la sociabilité au travail et le « faire ensemble » dans nos organisations ?
Converser avec des IA génératives
Pour comprendre cette transformation, un phénomène découvert dès 1966 par Joseph Weizenbaum peut nous éclairer : l’effet ELIZA. En informatique, celui-ci désigne « la prédisposition des humains à attribuer à des suites de symboles générés par ordinateur plus de sens qu’ils n’en ont réellement[3] ». Même conscients de la nature déterminée des p