Politique

Les derniers jours (sans fin) de la Ve République

Écrivain

En quelques heures, entre dimanche soir et lundi matin, nous aurons assisté médusés à l’annonce de la composition d’un gouvernement suivi de la démission (acceptée) de son Premier ministre… Depuis des années désormais, la Ve République semble vivre ses derniers jours.

La démission de Sébastien Lecornu quelques heures après l’annonce de son gouvernement par le secrétaire général de l’Élysée ne fait que porter à l’incandescence une crise politique qui couve depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juillet 2024. Mais la crise, aggravée par le pilotage aventureux d’Emmanuel Macron, vient de plus loin.

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Elle ne saurait se réduire aux péripéties gouvernementales des derniers mois. L’ex-Premier ministre en a fait l’aveu troublant en soulignant l’impasse dans laquelle il se trouvait, sous la forme d’une lapalissade : « On ne peut pas être Premier ministre quand les conditions ne sont pas remplies. » La formule mérite de rester à la postérité.

Un certain régime du politique s’achève, dont Emmanuel Macron serait l’épilogue. Cet épilogue coïncide avec la fin d’un cycle d’hégémonie idéologique du néolibéralisme, de même que la défaite de Giscard d’Estaing, en 1981, fut l’épilogue politique des Trente Glorieuses. C’est à la fois la fin d’un régime dans le sens politico-institutionnel – l’hyper présidentialisme et l’affaiblissement des contre-pouvoirs –, mais aussi l’épuisement d’un certain régime de « croyance » dans le politique, c’est-à-dire le crédit que l’on fait aux hommes et aux institutions.

L’économiste australien John Quiggin a utilisé la métaphore des zombies dans un livre intitulé Économie Zombie (Éditions Saint-Simon, 2013) pour expliquer la résilience des idées néolibérales qui auraient dû être discréditées par la crise financière de 2008, mais qui continuent à inspirer les discours et les hypothèses de travail des décideurs, des commentateurs et des experts. « Les zombies des films d’horreur, écrit-il, ont la réputation d’être des durs à cuire. Étant déjà morts, ils sont inattaquables et avancent impitoyablement vers leurs proies. Les idées zombies sont tout aussi résilientes. »

Il en est de même des principes qui structurent la Ve république, si profondément ancrés dans les esprits, enseignés depuis des décenn


Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)