Cinéma

Le temps de s’y mettre – sur Nouvelle Vague de Richard Linklater

Critique

Nouvelle Vague nous transforme en petite souris cinéphile, nous offrant d’arpenter de manière très documentée les coulisses d’À bout de souffle et d’assister à la naissance du cinéma de Godard comme de son personnage. Loin d’un pastiche godardien, le plaisir du film tient dans son éloge du temps passé à plusieurs, du temps parfois perdu, entre la spontanéité du temps de s’y mettre et un temps plus creusé de la création collective.

Nouvelle Vague serait-il un Godard Begins ? Avec cette fiction documentée sur la production rocambolesque d’À bout de souffle – phase décisive durant laquelle Jean-Luc Godard invente d’un même élan son cinéma et son personnage, aussi désinvoltes et imprévisibles l’un que l’autre – tiendrait-on la genèse d’un superhéros de la cinéphilie ?

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On peut présenter le film comme ça, bien qu’il esquive tous les attendus d’un biopic édifiant. Ici, point de trauma fondateur ni d’épiphanie pour une vocation. Plutôt la chronique d’une révolution esthétique qui ne tenait, au bout du compte, qu’à un fil.

Apostropher sans gants un producteur (« Votre film est dégueulasse ! ») en sortant d’une avant-première (en l’occurrence celle de La Passe du diable de Pierre Schoendoerffer, sur un scénario de Joseph Kessel) n’est sans doute pas la façon la plus diplomatique d’entretenir son réseau professionnel. Et pourtant, c’est sur ce contact, on ne peut plus sec et direct, que se noua le partenariat décisif entre Godard et Georges de Beauregard. Que se serait-il passé si ce dernier avait répliqué : « Qu’est-ce que c’est dégueulasse ? » Le ton serait-il monté ? Jusqu’à une fin de non-recevoir ? Et aurions-nous alors connu À bout de souffle, Pierrot le Fou ou Le Mépris ? À quoi ça tient, l’histoire du cinéma !

L’anecdote vacharde est restituée dès le début du film de Linklater où une petite bande de quatre mousquetaires (Truffaut, Godard, Chabrol, Suzanne Schiffman) jouit déjà de sa petite réputation, forte du prestige intellectuel des Cahiers du Cinéma et du succès du Beau Serge de Chabrol, succès et prestige qui iront encore en s’amplifiant quelques semaines plus tard avec la présentation triomphale des 400 Coups au festival de Cannes de 1959. Au sein de ce groupe élargi jusqu’à la rédaction des Cahiers et aux cinéastes amis mais qui ne font que passer (Varda, Demy, Rozier, Resnais), la figure de Godard est d’emblée caractérisée par un rapport à la fois admiratif et envieux à ses cam


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