Savoirs

Felwine Sarr : « Comment habitons-nous ensemble ? »

Philosophe

Il y a ces lieux, ceux où l’on a grandi, où l’on s’est construit, qui nous habitent et que l’on habite. En partant de son concept de « lieu-matrice », et en travaillant celui de cosmopolitique comme espace où personne ne conteste à d’autres le droit d’être, l’économiste et écrivain Felwine Sarr mène une réflexion sur la vie commune, le droit à l’hospitalité et à la circulation, mais aussi sur nos rapports au non-humain, au non-vivant, et au spirituel. Cet entretien est la version écrite d’une conversation qui a eu lieu à la Résidence Tallard de la Fondation Kadist.

Dans une époque marquée par la fracturation radicale du monde et lancé dans une course à la fermeture des frontières, des horizons et des esprits, quelle place ménager à l’horizon du cosmopolitisme, et quels espaces de parole ouvrir pour lui faire droit ?

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Économiste et écrivain, Felwine Sarr est à la fois l’auteur d’une œuvre profondément personnelle mobilisant aux côtés de la recherche académique les médiums du récit, de la musique ou du théâtre, et l’initateur infatigable d’un renouvellement des points de vue non sur l’Afrique, mais depuis l’Afrique – des Ateliers de la Pensée de Dakar qui ont permis l’expression d’une nouvelle génération de chercheurs à l’échelle du continent, au rapport sur la restitution du patrimoine africain qu’il co-signa avec Bénédicte Savoy.

Ce renouvellement des espaces d’expression est aussi l’ambition de « l’école du soir », imaginée par Felwine Sarr à l’invitation conjointe du Centre Pompidou (dont il est l’invité intellectuel 2025) et du Festival d’Automne à Paris : au travers d’une série de rencontres avec de grandes voix de toutes les disciplines, esquisser les contours d’une « vie commune » et les formes d’un cosmopolitisme qui n’exclut pas, mais requiert une attention à la diversité des lieux qui trament nos existences. Comment habiter le monde ? C’est le fil conducteur de cet entretien, accueilli le 6 octobre dernier par la Résidence Tallard. M. P-B.

Pour faire écho au titre de ton dernier roman, Les Lieux qu’habitent mes rêves, j’aimerais placer au centre de notre conversation le motif de l’habitation, du chez-soi. La première question que j’aurais donc envie de te poser est très simple : où est-ce que tu habites en ce moment, de façon générale ?
J’habite à Durham, sept mois et demi dans l’année, et les trois mois et demi qui restent j’habite au Sénégal. Et à partir du Sénégal, je circule un peu. D’abord, j’habite mon corps et ma tête. Je pense que de manière physique et géographique, pour l’instant j’habite entre deux