Littérature

Faire œuvre de silence – sur Le Ghetto intérieur de Santiago H. Amigorena

Journaliste

Dans Le Ghetto intérieur, Santiago H. Amigorena dresse le portrait de son grand-père. Vicente Rosenberg, émigré en Argentine, n’avait pas pu sauver sa mère du ghetto de Varsovie. Un traumatisme fondateur qui permet à Amigorena de questionner la thématique de l’identité, de la transmission, et de relever un défi majeur pour tout écrivain : choisir d’écrire sur ce qui n’est pas dit.

Le Ghetto intérieur est l’histoire du grand-père de Santiago H. Amigorena, Vicente Rosenberg, qui en 1928 a quitté la Pologne pour émigrer en Argentine. Quelques douze ans plus tard, en 1940, Vicente tient un magasin de meubles, et c’est un jeune papa heureux amoureux de son épouse, Rosita Szapire, un dandy qui aime en fin de soirée rejoindre ses amis au café ou jouer au poker.

C’est depuis cette vie-là qu’il apprend la construction d’un mur destiné à isoler le ghetto de Varsovie, où sa mère vit et va se trouver piégée. La douleur, l’impuissance et la culpabilité écrasent alors Vicente, l’enfermant dans le silence pour le restant de ses jours. Un silence d’où son petit-fils, né en Argentine et exilé en France à douze ans avec ses parents, n’est jamais totalement sorti, et qu’il explore depuis vingt-cinq ans, plume en main.

Car Amigorena dévoile aujourd’hui l’origine de son travail d’écriture, une somme autobiographique débutée en 1998 : « combattre le silence qui m’étouffe depuis que je suis né ». Surtout, en préambule du Ghetto intérieur, il explique qu’il avait, dès le départ, pensé à l’avance son œuvre construite comme un immense livre, en six parties de deux chapitres chacune. Ainsi a été conçu et s’est échafaudé sur vingt-cinq ans ce travail autobiographique puissant, débordant et pourtant toujours maîtrisé, encore inachevé à ce jour.

Le Ghetto intérieur raconte l’histoire d’un homme qui perd la parole, car il fait au sens propre l’expérience de l’indicible.

« Les quelques pages que vous tenez entre vos mains sont à l’origine de ce projet littéraire », prévient-il dans son introduction. En effet ce Ghetto intérieur, qui raconte quatre ans de la vie de Vicente, éclaire tout le travail publié jusqu’à aujourd’hui, et le titre même du premier ouvrage publié d’Amigorena, Une enfance laconique. Avec ce texte, Amigorena nous donne à lire comment un traumatisme peut se transmettre de génération en génération, sans un mot. Dépassant le genre autobiographique, l’auteur


Sylvie Tanette

Journaliste, Critique littéraire

Rayonnages

LivresLittérature