Littérature

La fabuleuse capitale de la douleur – à propos de Borgo Vecchio de Giosuè Calaciura

Professeure de littérature

Arpenter la violence de la capitale sicilienne du désespoir ; peindre ses métamorphoses et mettre en scène ses protagonistes, à la manière de Caravage, pour en composer autant de portraits ; faire surgir, au milieu des râles et de la misère, quelques éclats de grâce ; voici le chemin que trace pour nous Giosuè Calaciura dans Borgo vecchio. Et l’ancien journaliste passé à la littérature l’affirme : «Tutto è vero».

Pour beaucoup d’Italiens, Giosuè Calaciura est une voix – l’un des animateurs de « Farenheit », émission culturelle de qualité sur Radio3, chaîne de la Rai. Il a été journaliste d’investigation. Il est maintenant un romancier qui, en une dizaine de romans et récits, donne une voix à ceux qui n’en ont pas, enfants, animaux, petit peuple, zones urbaines, effritement social…

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Borgo Vecchio est à la fois le titre et le décor, le protagoniste et le sujet : un quartier populaire d’une ville qui n’est jamais nommée, ancien, antique, archéologique ; un espace confiné, pris entre la mer indifférente et les avenues bourgeoises, avec ses venelles malodorantes qui forment comme un grand corps vivant et grouillant, « les entrailles des ruelles et des cours intérieures » où la police n’ose plus entrer, où règne « la calamité et la pestilence d’égout ». La narration se déroule à une époque imprécisée ; il y est beaucoup question d’argent, ou plutôt de manque d’argent, mais il n’y a ni lires ni euros ; pas de téléphones portables non plus, mais la société de consommation déverse sur tous les personnages l’amertume du désir frustré de telles chaussures, tel cartable, tel maillot…

« Palerme n’est jamais nommée, explique l’auteur dans un entretien publié par le quotidien La Sicilia, parce que je ne voulais pas raconter des histoires palermitaines, mais je voulais transformer le quotidien d’un quartier dans un grand récit, une fable moderne en mesure de représenter, dans un sens littéraire, le sens et les modalités de la vie d’aujourd’hui, dans n’importe quel Sud. Borgo Vecchio c’est Palerme, mais ça pourrait être tout aussi bien Bogotà ou Medellin. Voilà ce que je veux raconter, Palerme en tant que théâtre d’une partie du monde, ou mieux encore d’une certaine façon d’être au monde. »

Deux garçons, Domenico qu’on a toujours appelé Mimmo, et Cristofaro, dont le prénom signifie qu’il porte le Christ – ou que, comme le Christ, il porte sa croix – sont « camarades de classe et com


Isabel Violante

Professeure de littérature, Maîtresse de Conférences en Études Italiennes à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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