Politique

Parlez-moi d’amour…

Ecrivaine

Il y a un mois les regrets et deuils de certains inscrivaient Chirac mort au sein du fier roman national français. Au sein de ces mémoires, quid des identités outremers ? L’identification de tant à celui qui leur manifesta un amour pour le moins toxique ne peut manquer d’interroger.

Il y a un mois Jacques Chirac a quitté cette vie pour l’autre ou pour le néant, nul ne saurait le dire. Il est frappant de constater combien la mort l’a soudain anobli, combien le souvenir qu’il laisse à un grand nombre semble être celui de l’amour. Ce n’est pas à proprement parler un bilan politique, mais cela compte, et que peut-on opposer à l’amour ? Jacques Chirac a donc aimé, passionnément : la bonne bouffe, le cul des vaches, les pommes, la bière, la compagnie des gens ordinaires, s’attachant à ce que leur condition demeure inchangée.

Jacques Chirac a tout particulièrement chéri les cultures lointaines, un musée en atteste, et se demander si l’activité de cette institution ne relève pas en partie du recel serait de très mauvais goût. Jacques Chirac a voué à l’Afrique une amour éperdu qui lui faisait dire que ses peuples n’étaient pas mûrs pour la démocratie, ce qui témoignait de la puissance de ses sentiments, de la profondeur de son respect, et justifiait la poursuite de politiques paternalistes quand elles ne furent pas meurtrières. C’est en ami de ce continent qu’il reconnut un peu tardivement que la France, lui devant une bonne part de sa richesse, devait avoir le bon sens de rendre à l’Afrique ce qu’elle lui avait pris. Il s’était gardé d’en rien faire durant ses deux mandats présidentiels, mais c’est encore notre inélégance qui nous le fait souligner.

Plus que tout, Jacques Chirac eut, pour les outremers, une ineffable affection, laquelle l’amena à faire attaquer au chalumeau la grotte d’Ouvéa où périrent donc 19 Kanaks, à signer le décret autorisant l’usage du chlordécone qui empoisonnerait pour des siècles les sols et les populations des Antilles, à s’assurer que les derniers essais nucléaires français fussent conduits non pas en Corrèze mais en Polynésie. Il est des amours bien coûteuses, éminemment toxiques, c’est le moins que l’on puisse dire.

Mais l’homme s’en est allé, et cela ne changera pas grand-chose de rappeler que le RPR fut un repaire de b


Léonora Miano

Ecrivaine

Mots-clés

Mémoire