Un autre dimanche – à propos d’Un dimanche à Ville-d’Avray de Dominique Barbéris
C’est un toujours possible Prix Femina et un « presque-Prix-Goncourt », étrange catégorie qu’on invente et qui n’a pas grand sens, sans doute, sinon pour dire que l’on avait été surpris, puis intrigué, par la présence sur l’avant-dernière liste de la plus courue des récompenses littéraires françaises du court et très beau roman de Dominique Barbéris, Un dimanche à Ville-d’Avray. Surpris, parce que ce livre n’a pas a priori les caractéristiques le destinant à ce genre de distinction très codée : publié par une petite maison d’édition, écrit par une auteure bien identifiée mais peu connue, irréductible surtout au moindre « pitch », puisqu’il ne s’y passe à peu près rien, à part le récit d’un souvenir incertain, le temps d’un dimanche dans une banlieue paisible…
Intrigué, ensuite, parce que tout de même, dans ce « rien » magnifique qui vous prend comme un vertige (le condensé d’une vie, l’espace clos d’un jour, l’automne), il semble qu’il y ait quelque chose d’extraordinairement français – ce qui peut être avait séduit, aussi, les jurés du Goncourt comme du Femina.
On avait fait un constat du même ordre il y a un an, pour l’obtention du prix par Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, qu’on pourrait considérer comme l’exact opposé d’Un dimanche à Ville-d’Avray, mais qui s’inscrivait de même dans une très explicite tradition française, de Zola à Houellebecq, en passant par Céline et le néo-polar démonstratif. Chez Dominique Barbéris, c’est évidemment autre chose, mais c’est encore une affaire de tradition, pour une écrivaine qui enseigne, à la Sorbonne, la stylistique… française. Ici, ce sont donc Nerval, Corot, Modiano qui affleurent dans un texte tout nervuré de notations atmosphériques et préoccupé d’abord du temps – qu’il fait, qui passe. Dès son titre, dont l’épilogue du roman rappellera qu’il fait allusion à un film un peu oublié des années soixante (Les Dimanches de Ville-d’Avray, de Serge Bourguignon, avec Hardy Krüger), la question se pose ainsi