Grandeur et décadence de la maladie de Parkinson
Pavel Kouzmitch Kassatkin
MORBUS PARKINSON
Préface
Demian Lavrentievitch Parkinson, inventeur de la terrible maladie, est mort d’épuisement en 1947 dans un camp de travail de la Kolyma sous un faux nom, celui de Nikolaï Nikolaïevitch Kouznietsov. Parkinson portera encore ce nom éculé pendant quarante-trois sinistres années posthumes, jusqu’à la perestroïka, la glasnost et la dislocation de l’URSS, dislocation à laquelle – si l’on en croit les indications chronologiques et biographiques qui précèdent – Demian Lavrentievitch (désormais réhabilité) aura sensiblement contribué. D. L. Parkinson a donc été réhabilité en même temps que des centaines de milliers de prisonniers tant réels que fictifs ; il a réintégré le gîte de son être disparu – son nom. Sa maladie, cependant, est tombée dans l’oubli ; elle végète sous un statut dégradé. C’est toujours morbus Parkinson, ou, plus populairement, le parkinsonisme, mais – ses contemporains encore vivants s’accordent tous sur ce point – les symptômes et le tableau clinique de la pathologie moderne n’ont aucun rapport avec la maladie de Parkinson originelle. Et il ne s’agit pas là d’une mutation de la maladie elle-même, comme dans le cas de la tuberculose qui ne cesse de trouver de nouvelles stratégies biochimiques pour s’adapter aux antibiotiques ; non, et d’ailleurs, le parkinsonisme est incurable ; c’est maintenant un ensemble profane de symptômes empruntés à quelques maladies insignifiantes, qui, considérés globalement, font plutôt penser à la maladie d’Alzheimer. Le parkinsonisme moderne est manifestement une contrefaçon. Mais pourquoi falsifier une maladie ? Cette question tracasse également F. R. Voznessenski, un historien qui a accès aux archives de l’Okhrana impériale, du NKVD, du KGB et de la Loubianka. Mais par où commencer ? Les non-initiés – et en la matière c’est le cas de tout le monde – ne peuvent imaginer les dimensions de ces Archives, pour ne rien dire du nombre incalculable de documents qui y sont entreposés