Cinéma

Il était une fois en Amérique : sur The Irishman de Martin Scorsese

Journaliste

Les mafieux de Scorsese ont toujours les visages de Joe Pesci et De Niro. Mais ils ont vieilli : The Irishman dessine les arcs de leurs vies, de la jeunesse à l’EHPAD. Il en signe ainsi le testament, et s’affirme comme œuvre-pivot, entre chant du cygne des mafia-movies, du Nouvel Hollywood, d’un cinéma à la fois vécu et pratiqué, et, malgré tout, film du « nouveau monde », celui de Netflix.

La mutation numérique bouleverse tout, chacun en prend la mesure chaque jour : l’économie, la finance, la démocratie, les rapports sociaux, familiaux, amoureux, la culture… On ne connaît pas une zone des activités humaines qui ne soit affectée par les nouvelles technologies et le cinéma n’y échappe pas.

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A l’âge vénérable de 77 ans, Martin Scorsese se retrouve dans l’œil du cyclone digital : The Irishman est non seulement l’un de ses meilleurs films, mais il se présente aussi comme une œuvre-pivot entre deux époques. Esthétiquement et dramaturgiquement, voilà un film de « l’ancien monde », qui vient couronner une filmo et boucler plus particulièrement une série de films tels que Mean Streets, Raging Bull, Les Affranchis et Casino – bref, les mafias movies de notre homme. Mais du point de vue de sa production, de sa diffusion et de sa technologie, c’est un film du « nouveau monde ».

On le sait, Marty désirait faire ce film depuis quelques années mais n’a pas pu trouver les financements nécessaires à Hollywood. C’est donc Netflix qui a déboursé la colossale somme de 150 millions de dollars et permis la concrétisation de The Irishman. Dans des entretiens récents à fort retentissement, Scorsese a rhabillé Hollywood pour plusieurs hivers, reprochant au vieux système des studios de ne produire plus que des adaptations Marvel ou DC Comics, et indiquant que de tels films relevaient plus du parc d’attraction que du cinéma. Pour une fois qu’un cinéaste célèbre ne pratique pas la langue de bois promotionnelle et émet une véritable parole critique (au sens de critique de cinéma comme de critique sociale), les réactions ne se sont pas fait attendre : polémiques, chauds débats, entre les cinéphiles de l’ancien monde et les technophiles du nouveau monde.

Aux États-Unis, pour les cinéastes qui se veulent encore auteurs à l’ancienne et non chefs de chantiers de superproductions franchisées, Hollywood est donc devenu l’ennemi et les plates-formes numériques sont les nouveau


Serge Kaganski

Journaliste, Critique de cinéma

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