Photographie

Speed of Life, une vie de la mort – sur l’exposition de Peter Hujar au Jeu de Paume

Écrivain

Paradoxalement, Speed of life nous arrête : cette vitesse du temps que le titre suggère fait déjà signe vers son évanouissement. Le photographe Peter Hujar, en cela fidèle aux mots de Susan Sontag, saisit ici la tension entre figé et fugace, leur inévitable croisement et, à rebours d’une certaine conception contemporaine de l’exposition, nous invite à la voix basse et au recueillement face à des figures de l’intime évoquant un New York qui ne se résume pas à son mythe.

L’exposition au musée du Jeu de Paume du photographe américain Peter Hujar (1934-1987) invite à (re)découvrir un artiste légèrement à la marge d’un mythe par ailleurs hyper-représenté : celui du New York des années 70-80, avec ses atmosphères de downtown à la dérive, sa bohème urbaine un peu déglinguée et ses figures presque obligées de stars plus ou moins alternatives, travestis warholiens, écrivains culte, dandies drogués… On a beaucoup vu, et beaucoup lu cette geste underground dont la curiosité aujourd’hui n’est pas éteinte, avouons-le.

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Mais si la mythologie d’un New York perdu est bien présente chez Peter Hujar, c’est autre chose encore qu’on trouvera dans cette exposition baptisée Speed of Life : la vie à toute vitesse… la mort, aussi, sous cette appellation qui rappelle le premier morceau de l’album Low de David Bowie enregistré en 1976. Un album plus berlinois que new-yorkais, il est vrai, mais qui s’ouvrait sur les deux minutes et quarante-sept secondes de « Speed of Life », donc, une espèce de folle course instrumentale et synthétique pour laquelle Bowie avait bien écrit un texte, dit-on, auquel il renonça au moment de l’enregistrement, le jugeant superflu. Sans paroles : voici déjà quelque chose comme un aveu photographique, l’espèce de no comment qu’imposent les images – et qu’il faut ici braver.

Speed of Life ? Le titre est presque une contradiction, car les photographies de Peter Hujar, où les modèles sont souvent couchés, arrêtent quelque chose, ou du moins donnent à penser (à rêver) une tension très ancienne dans l’histoire de la représentation entre le fugace et le figé, ou pour le dire… vite : la vie et la mort. L’unique livre publié en 1976 par Hujar et préfacé par Susan Sontag s’intitule ainsi Portraits in Life and Death, qui associe des portraits d’artistes et amis new-yorkais (John Waters, Robert Wilson, Divine, Fran Lebowitz, William S. Burroughs…) à des photographies-vanités prises en 1963 dans les catacombes de Palerme.

L’expositi


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire