La gauche et les siens : complexes (2/3)
Raison garder
Pour ne pas être taxés de naïveté ou d’archaïsme, les légataires de la tradition sociale-démocrate s’emploient depuis longtemps à concilier les convictions censées les animer avec les lieux communs de l’expertise néolibérale. Soucieux d’apporter une tonalité sociale à leurs refus de doper la demande et de laisser filer les déficits, ils se sont successivement inquiétés des effets corrosifs de l’inflation sur le pouvoir d’achat des plus modestes et du fardeau que la dette publique fait peser sur les générations futures.
Sans doute l’expérience leur a-t-elle appris qu’une politique monétaire exclusivement destinée à assurer la stabilité des prix condamnait à arbitrer entre chômage et précarité, tandis qu’une politique budgétaire axée sur la stimulation de l’offre favorisait davantage les rachats d’actions et la distribution de dividendes que les investissements productifs. Pour autant, pas plus les incohérences théoriques que les conséquences pratiques des poncifs auxquels ils se sont ralliés ne les ont convaincus de déroger à leur sens des responsabilités.
Même dans les mois qui ont suivi le krach de 2008, alors que l’air du temps bruissait de condamnations péremptoires du capitalisme débridé, les sociaux-démocrates ont mis leur point d’honneur à raison garder. Non contents d’applaudir au sauvetage inconditionnel du système bancaire, ils n’ont eu aucun scrupule à entériner les politiques d’austérité qui l’ont financé – quitte, une fois encore, à recouvrir leur conformisme d’improbables proclamations de fidélité au modèle social français.
Quant aux bénéfices qu’ils ont retirés de leur alignement sur la doxa néolibérale, les qualifier de décevants relève de l’euphémisme : car si leurs protestations de réalisme et leurs efforts de modernisation ne sont jamais parvenus à les rendre légitimes aux yeux des détenteurs de capitaux, ils ont en revanche pleinement réussi à désespérer leur base électorale.
Après trente-cinq ans d’obstination, certains s