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Benjamin Stora : « La tension entre homogénéité et pluralisme travaille la société algérienne »

Journaliste

Alors que le président Abdelmadjid Tebboune vient de prêter serment, retour avec l’historien Benjamin Stora sur le mouvement politique qui secoue l’Algérie depuis dix mois. Pour comprendre cet événement historique majeur, il souligne l’importance de l’histoire et de la mémoire du nationalisme algérien. Cet entretien est aussi l’occasion de revenir sur l’état de l’espace public français, notamment au regard de l’attaque antisémite dont il a récemment fait l’objet de la part de l’hebdomadaire Valeurs Actuelles.

Il y a tout juste un an, l’historien Benjamin Stora se trouvait à Alger et rien ne lui aurait alors permis d’imaginer que, quelques semaines plus tard seulement, un vaste mouvement politique naitrait à travers tout le pays en opposition au cinquième mandat que s’apprêtait à solliciter Bouteflika. Un mouvement si puissant qu’il a mis à bas, les uns après les autres, les piliers sur lesquels reposait le pouvoir et conduit très rapidement à la démission du président. Dans un ouvrage à paraître fin janvier, Benjamin Stora, spécialiste du nationalisme algérien et de la guerre d’Algérie, reviendra sur cette histoire au présent. Il livre ici ses analyses en avant-première pour AOC. Il évoque aussi son départ du Musée de l’immigration à Paris, dont il a présidé le Conseil d’orientation et revient sur la récente attaque antisémite dont il a fait l’objet, et sur ce que cela dit de l’état du débat public dans notre pays. SB

Un nouveau président vient de prendre ses fonctions en Algérie, après une élection organisée à la suite d’un vaste mouvement politique démarré en février et qui s’est traduit en avril par la démission de Bouteflika. Comment analyser cette séquence ?
Il faut regarder la situation qui prévaut en Algérie depuis le 22 février comme un événement historique majeur. Nous avons affaire à un mouvement profond qui touche l’ensemble des régions, et qui était totalement inimaginable quelques semaines plus tôt. J’étais à Alger, il y a un an, et tout le monde attendait le cinquième mandat de Bouteflika en soulignant la stabilité du régime, son quadrillage puissant de la société à travers ses réseaux clientélistes, à partir des partis politiques constitués par en haut, via l’administration aussi évidemment, avec l’armée toujours au centre du jeu. On avait donc le sentiment d’une lassitude, d’une infinie répétition et, tout à coup, se produit une accélération. Et ce qui m’a alors frappé ce n’est pas tant l’effondrement en lui-même que sa rapidité. Le fait qu’en très peu d


Sylvain Bourmeau

Journaliste, directeur d'AOC